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À nouveau au Salon international du livre de Québec : la Tunisie

Je vous disais avoir passé quelques moments dans l’Espace de la diversité, au Salon de Québec, où cette année la Tunisie était accueillie. J’eus l’occasion de rencontrer de bien belles personnes.

J’ai pu échanger avec Samir Marzouki, professeur de littérature française et francophone à la Faculté des Lettres, Arts et Humanités à l’Université de Manouba à Tunis, et auteur d’une quinzaine d’ouvrages, en français et en arabe, sur la littérature française et francophone, la littérature comparée, la didactique des langues et des cultures, et la langue française en Tunisie et au Maghreb.

L’un des deux ouvrages qu’il m’a dédicacés est le fruit d’un colloque en novembre 2009 organisé par le département de français de la Faculté des Lettres, Arts et Humanités de l’Université de Manouba, à Tunis, autour du thème « La littérature tunisienne d’expression française ».

Le premier article porte sur l’écrivain et essayiste tunisien Albert Memmi, qui a eu 96 ans le 15 décembre dernier. Le propos — Albert Memmi : jasmin, « plaisirs modiques » et mandragore — est de Jalel El Gharbi, de l’Université de Manouba, qui anime un blogue sur internet depuis près de dix ans.

Après quelques pages, tiré de l’ouvrage de Memmi, Le Mirliton du ciel [Éditions Juliard, 1990], El Gharbi nous offre « un des rares poèmes érotiques » de l’écrivain tunisien :

 

Ah dis-je à Ghozala

tu es ma fête et mon festin

Je te mangerai toute

mais par où commencer

Tes cheveux de loubanne

mordorés de Henné

Tes lèvres en gelée

de roses d’Hispahanne

Tes seins de nougat blanc

piqués d’amandes grecques

……………….

La réponse de Ghozala mérite d’être citée en entier :

Que tout cela est beau

dit Ghozala conquise

Comme je suis heureuse

d’être si bien aimée

Mais si tu as tant faim

mon lion du Hoggar

tu pourrais commencer

par un couscous au beurre

puis un poisson au rouge

largement arrosés

de petit lait tiédi

Bien sûr je serai là

au moment du dessert.

 

Ce qui est exploité ici, écrit Jalel El Gharbi, c’est ce motif récurrent de l’amour comme dévoration exprimé sur le mode métaphorique mais tellement fort que Ghozala, par coquetterie féminine, le prend au pied de la lettre. Elle commence par lui signifier que l’amour n’est pas de la dévoration et que l’affirmation qui sous-tend le discours amoureux demande à être tempérée, adoucie, d’où l’évocation du dessert dans une formulation ambiguë maintenant une part de pudeur ; une litote disant peu pour signifier beaucoup :

« Bien sûr je serai là

au moment du dessert »

 

Source : La littérature tunisienne de langue française. Voix anciennes et nouvelles voies, Tunis, Sud Éditions, 2010, p. 22s. Textes réunis et présentés par Afifa Chaouachi-Marzouki.

Les photographies sont de René Bouchard.

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