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Vous souvenez-vous de Sei Shônagon ?

Cette dame est au service d’une jolie princesse de 15 ans, Sadako, qui, au début des années 990, devient l’épouse de l’empereur Ichijô. La jeune impératrice, ayant sous la main, toute une liasse de papier, lui demande ce qu’il faudrait écrire avec cette documentation.

Et Shônagon crée Notes de chevet, un ouvrage comme rarement il s’en est trouvé dans l’histoire de l’humanité. Nous l’évoquions le 29 mai 2015.

On dirait dans une grande urgence de vivre une compilation pour ne rien perdre et pour assurer la suite du monde. Et rien ne lui semble banal.

 

Choses rares

 Un gendre loué par son beau-père.

Une bru aimée par sa belle-mère.

Une pince à épiler, d’argent, qui arrache bien.

Un serviteur qui ne médit pas de son maître.

Une personne sans la moindre manie, sans infirmité supérieure au physique comme au moral, et qui reste sans défaut, alors qu’elle vit dans le monde.

Des personnes qui habitent ensemble gardent une réserve mutuelle, et je pense que chacune doit s’appliquer, sans la moindre négligence, à dissimuler son caractère. Il est bien rare qu’on ne finisse pas par le voir.

Ne pas tacher d’encre le livre où l’on copie des romans, des recueils de poésies, ou d’autres choses analogues. Quand c’est un beau cahier, on prend le plus grand soin pour écrire, et cependant, il paraît toujours sali.

Quand des hommes, des femmes, ou des bonzes, se sont promis une amitié profonde, il est difficile qu’ils restent en harmonie jusqu’à la fin.

 

Choses qui tombent du ciel

 Le soleil

Le soleil couchant. Sur la crête des monts, derrière lesquels il vient de disparaître, on voit encore une lueur rouge, et les nuages s’étendent en fines traînées teintées de jaune clair. J’en ai le cœur charmé.

 

La lune

La lune pâlie de l’aurore.

La lune me charme encore quand son mince croissant apparaît sur la cime des montagnes, à l’orient.

 

Les étoiles

Les Pléiades. L’étoile du Bouvier. L’étoile du matin. L’Étoile du soir.

Si seulement il n’y avait pas d’étoiles filantes, ce serait encore mieux.

 

Les nuages

Les nuages blancs, pourpres, noirs, me ravissent.

Les nuages chargés de pluie, que le vent chasse.

J’aime aussi, à la pointe du jour, les nuages sombres, qui peu à peu blanchissent. Dans une poésie chinoise, on a parlé, je crois, de la teinte qui disparaissait à l’aurore. C’est bien joli encore lorsqu’un nuage mince couvre la face brillante de la lune !

 

Le brouillard

La brume sur la rivière.

 

Ces textes sont extraits du livre de Sei Shônagon, Notes de chevet, Paris, Gallimard/Unesco, 1966. Traduction et commentaires par André Beaujard.

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