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Nous ne connaissons pas les océans d’il y a 120 ans

Sait-on qu’annuellement, il se perd au moins une dizaine de navires lors de tempêtes ? Qu’on retrouve sur l’océan des bateaux à la dérive, sans équipage ou avec à son bord un équipage de personnes décédées ? Au début des années 1880, une dépêche de New York affirme qu’on en compte 24, qui représentent un danger, car ils sont sur les routes empruntées par les océaniques.

Le Québec contribue à cette histoire de navires en perdition. En décembre 1885, la goélette Marie-Flore brise ses amarres à Baie-Saint-Paul, où elle avait été mise en hivernage et part en voyage, entraînée par les glaces. Le quotidien Le Canadien du 11 janvier 1886 raconte :

Le 30 décembre, M, McHugh, inspecteur du service des signaux, était informé de la Rivière-du-Loup que la goélette en question se trouvait à l’ouest de l’île aux Lièvres. Il semble que rien n’ait été fait pour arrêter la Marie-Flore dans sa course, car M. McHugh a de nouveau été informé par le télégraphe que cette goélette est passée vendredi avec la glace à la Pointe-aux-Pères [en aval de Rimouski].

Deux jours plus tard, toujours dans Le Canadien, on apprend qu’on est parti arraisonner la goélette.

La goélette Marie-Flore, qui était en hivernement à la Baie St. Paul et qui est partie à la dérive avec la glace, est en train de devenir fantastique. Elle continue à voguer au gré du vent et de la marée, et elle vient de donner à cinq braves marins de nos compatriotes l’occasion de prouver leur courage.

Nous annoncions l’autre jour qu’elle était passée à la Pointe au Père. L’inspecteur du service des signaux, M. McHugh, de Québec, a reçu un télégramme l’informant qu’elle était de nouveau hier en vue du même endroit et étroitement emprisonnée dans la glace. Le capitaine Lucien Bouillon, de Rimouski, a pris avec lui quatre marins expérimentés et ils ont réussi à se rendre à bord.

Ils ont dû cependant, afin d’alléger leur embarcation, laisser en chemin une partie de leurs provisions. Toutefois, ils n’auront pas de misère, car il y a à bord de la goélette un demi-baril de lard, un baril de fleur, etc., plus une demi-corde de bois. En outre, la goélette est pourvue aussi de ses voiles et d’instruments de marine. Ces hommes hardis pourront aussi sans aucun doute descendre à terre pour se procurer d’autres provisions.

C’est avec beaucoup d’anxiété que partout le long de la côte on attend de leurs nouvelles. Il est peu probable qu’ils puissent dégager le bâtiment d’ici longtemps.

Le 14 janvier, Le Canadien précise que les cinq hommes «ont l’intention de rester à bord jusqu’à ce que le temps leur permette de rendre la Marie-Flore à bon port».

Le 18 janvier, Le Canadien nous apprend que la Marie-Flore est désormais laissé à son propre sort.

L’inspecteur du service des signaux, M. McHugh, reçoit toujours de temps à autre des nouvelles de cette goélette qui continue sa course vers le golfe, où elle est entraînée par les glaces.

Vendredi, il a reçu de la station télégraphique de Petit Métis, une dépêche l’informant que la Marie-Flore était passée à cet endroit la veille, vers midi, et qu’à l’heure actuelle elle s’engageait rapidement dans la batture de Sandy Bay [Baie-des-Sables]. On allait tenter un effort pour débarquer les agrès, etc., et il était fort possible qu’on réussisse à sauver la goélette.

D’un autre côté, nous apprenons que ceux qui s’étant embarqués à bord de cette goélette ont dû l’abandonner, vu qu’il n’y avait à bord que quelques livres de lard et de farine. Avant de se décider à abandonner complètement la Marie-Flore, ils sont descendus à Ste-Flavie afin d’y chercher les provisions nécessaires. Ils ont pu se rendre à terre, mais il leur a été impossible de se rembarquer. En conséquence, ils sont retournés à Rimouski, où ils demeurent.

 

Source de l’illustration : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Famille Landry, cote P155, S1, SS2, D14. Propriété du capitaine Philippe Landry, ce voilier de style goélette, baptisé du nom de sa fille, fut construit à l’île d’Orléans en 1886.

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