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«Un vilain vieux»

Je prends plaisir, je vous le disais, à retracer la présence d’Auguste Charbonnier (1859-1920) au Québec, auteur, poète, compositeur de musique. Il se donnait à l’occasion le nom de Jan Pic.

Il épousa une fille de Victoriaville, Hélène Chalifour. Et son petit-fils, Noël, me confie qu’il était très belle.

Le revoici à nouveau, cette fois-ci dans l’hebdo montréalais Album universel, du 16 janvier 1904.

 

Un vilain vieux

Jeté par le destin sur les chemins du temps;

Allant d’ici, de là, marchant à l’aventure,

Tantôt sous les zéphyrs, tantôt sous les autans,

D’après la grande loi, la loi de la nature,

Je viens de rencontrer, glacé, mais vert encor,

Un vieillard cheminant d’un pas vif, monotone,

L’œil et l’oreille au guet, tel un alligator.

Il marche, il vole, il va, nullement ne tâtonne,

Semant à pleines mains, sous ses pas, les glaçons,

La neige et les frimas, les fièvres, la froidure,

La torture, l’effroi, l’angoisse et les frissons,

Qu’il dépose, en sifflant, dans la pauvre masure.

Sans pitié pour personne, il mord les nourrissons;

Il mord à pleines dents, il mord sur son passage,

Les femmes, les vieillards, les hommes, les enfants;

Et le pauvre, surtout, victime de sa rage,

Le voit, avec effroi, revenir tous les ans.

Dans les palais de marbre où sourit la fortune,

Le vieillard voudrait bien mordre les fortunés :

Quand il met sur leur porte une main importune,

Le cruel vieux se voit fermer la porte au nez.

 

Or, ce vieillard cruel, qui, tous les ans, repasse,

Depuis sept fois mille ans, portant sous son lourd vair,

Le froid brûlant qui mord, le frisson qui terrasse,

Les Francs l’un baptisé d’un affreux nom : l’Hiver.

 

Auguste Charbonnier.

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