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«Il serait temps qu’on arrêtat cet engouement pernicieux pour les villes»

En 1900, on n’arrive plus à trouver des arguments pour faire cesser le dépeuplement des campagnes. Et on dénonce ce mouvement du tout à l’urbain.

La désertion de la campagne pour les villes est la grande plaie du jour. On veut aller en ville.

La campagne est si triste, si pauvre, si sévère, qu’on aime mieux s’exposer à chercher son pain dans les cités, que de le gagner péniblement dans les champs. C’est une manie, on veut être citadin. On délaisse l’agriculture pour se donner à l’industrie. Écoutez Jules Simon :

L’école primaire seconde ce mouvement d’émigration dans les villes. On sait tant de choses à présent ! Les paysans ne savaient rien. Ils n’avaient pas besoin de lire le Petit Journal. Ils ne songeaient pas à devenir orateurs dans les clubs ni à choisir pour leurs soirées entre le club et le café chantant.

La République les oublie là-bas dans leurs villages. Elle ne donne pas même le nécessaire; panem et circenses, le pain et le cirque. Ils n’ont ni journal, ni livre, ni club, ni spectacle, ni hôpital, ni médecin, ni grève, ni émeutes. On leur refuse tous les plaisirs de la vie. Et ils resteraient là, eux qui peuvent être tisseurs, ou typos, ou mécaniciens, et qui ont été trois ans tourlouroux ? jamais de la vie !

Et pourtant la vie rurale est la plus saine de toutes, la plus sûre, la plus agréable, la plus virile si on voulait faire le nécessaire pour développer ses avantages et se donner la peine de démontrer.

Il serait temps qu’on arrêtat cet engouement pernicieux pour les villes. Il faudrait diminuer les impôts sur le foncier, favoriser l’agriculture, instruire les campagnards, leur rendre la vie moins pénible et surtout bien se garder de leur enlever la religion, source principale de tous les dévouements.

Il y a longtemps déjà qu’Émile Augier donnait les mêmes conseils en quatre vers excellents :

Remettez en honneur le soc de la charrue.

Repeuplez la campagne aux dépends de la rue;

Grevez d’impôts la ville et dégrevez les champs,

Ayez moins de bourgeois et plus de paysans.

 

L. C. B.

Le Canada français (Saint-Jean-sur-Richelieu), 11 janvier 1895.

 

L’illustration est la page couverture du livre de Léonce Boivin, curé de l’Assomption des Éboulements, Dans nos montagnes (Charlevoix), seconde édition, Les Éboulements, mars 1942.

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