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Dans le monde des légendes, l’ère chrétienne commence par la domestication d’un oiseau

Jean et son oiseau.

La première des légendes sur les animaux que nous offre l’ère chrétienne est celle de saint Jean l’Évangéliste, et il va sans dire qu’elle est toute en faveur de la bonté et des égards que nous devons à nos frères inférieurs. Le disciple bien-aimé, demeuré le modèle par excellence de la douceur, était tout naturellement désigné pour être le premier protecteur des créatures du bon Dieu.

Un jour que le saint rentrait d’une de ses longues courses apostoliques, il rencontra sur son chemin une perdrix blessée. La pauvre petite bête, à moitié morte de froid, traînait péniblement l’aile et semblait implorer la pitié de l’apôtre. Un indifférent eût passé sans prendre garde à l’infortunée. Combien même, plus cruels encore, se fussent empresser de profiter de cette aubaine pour achever l’oiseau et lui faire prendre le chemin de la cuisine !

Saint Jean, lui, n’était n indifférent, ni cruel; touché de compassion, il prit doucement la petite blessée, la mit dans son sein, la réchauffa et l’emporta chez lui, où, après avoir pansé de son mieux ses blessures, lui donna à manger.

La perdrix, bientôt guérie, devint tout de suite apprivoisée et se prit d’une grande affection pour son sauveur. Saint Jean, de son côté, aimait beaucoup sa petite compagne. Lorsqu’il rentrait de ses courses, la perdrix s’empressait de venir au-devant de lui et le comblait de caresses, que le saint lui rendait à son tour.

C’était avec sa perdrix que le doux apôtre, lorsqu’il avait bien travaillé, bien prié, aimait prendre ses récréations, lui donnant à manger dans sa main et prenant plaisir à la voir voler autour de lui. Lorsqu’elle mourut, il la pleura, et ce fut pendant longtemps un grand chagrin pour lui de ne plus trouver à ses côtés la mignonne petite bête à laquelle il s’était attaché.

La tradition ne nous a point conservé d’autre souvenir des relations entre saint Jean l’Évangéliste et les animaux, mais ce touchant exemple nous permet de supposer que, s’il avait sa petite préférée, le disciple bien-aimé devait être également bon et affectueux pour tous les autres animaux. On aime à se le figurer, de longs siècle avant François d’Assise, apprivoisant, caressant et réunissant autour de lui les petites bêtes de la création, et mettant en pratique les paroles de son divin Maître auquel il avait entendu dire que le bon Dieu a soin de pourvoir lui-même à la nourriture des petits oiseaux ! […]

Bien avant la Société protectrice des animaux, il [Jean] avait compris que les habitudes de cruauté envers les bêtes sont une mauvaise préparation aux devoirs de charité envers le prochain, et il avait proclamé et mis en pratique à l’avance ce beau précepte de [Michel de] Montaigne : «que nous devons la justice aux hommes et la bénignité [la bienveillance pleine de douceur] aux autres créatures !»

 

L’Album universel (Montréal), 30 décembre 1905. Ce propos est non signé.

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