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Comment la Noël est fêtée à Montréal

À la messe de minuit, les différentes églises de la ville étaient comblées de foules pieuses.

Un grand nombre de protestants se sont mêlés aux catholiques, attirés par la splendeur des cérémonies dans nos temples.

Mais nous n’avons pu nous défendre de penser que les plus belles messes de minuit sont encore celles auxquelles nous n’assistons pas. Ni l’éclat des illuminations électriques, ni les harmonies savamment combinées, ni la multitude de la foule n’égalent la poésie de la petite église de campagne où des voix naïves, souvent très pures, chantent les Noëls simples à la lumière douce et vacillante qui tombe des lustres anciens.

Il entre trop d’éléments profanes dans notre fête; les grands bruits de la ville se mêlent trop aux concerts sacrés de nos temples.

Grâce à la belle température, ce que nous pourrions appeler la célébration laïque de Noël a été particulièrement heureuse cette année.

Toute la journée, les rues et les places publiques ont été couvertes de promeneurs qui allaient souhaiter bonjour et bon Noël à leurs amis. Peu à peu, les Canadiens-français ont pris la coutume de leurs compatriotes anglais de doubler d’un côté social la fête religieuse. En ville, on souhaite maintenant un «joyeux Noël» comme au jour de l’an, une «bonne et heureuse année». La province en est restée aux vieilles mœurs françaises. […]

L’habitude, la température propice et quelque diable aussi les tentant, les Montréalais ont profité du congé pour aller se récréer au théâtre.

On évalue à 25,000 le nombre de ceux qui ont assisté aux représentations dans les grands théâtres. Il y avait matinée partout. Le National, les Nouveautés, l’Académie, le Majesty, ont fait salles combles, tandis que les établissements populaires comme le Bennett, le Français refusaient du monde. Il n’y a pas de fête de Noël pour les artistes dramatiques.

La journée a aussi été profitable pour les chemins de fer. Tous les trains étaient bondés de voyageurs, les campagnards venant voir la fête à la ville, les citadins fuyant vers la campagne pure. La vacance permet d’aller visiter des amis éloignés.

On se plaît à disséquer les statistiques de la journée de Noël. On constate avec plaisir, cette année, qu’aucune grande catastrophe n’est venue ternir l’éclat de la fête. Elle a cependant son aspect pénible, la Noël des miséreux.

Les maisons de refuge et d’assistance ont reçu une nombreuse clientèle. Cinq cents personnes n’ont pas eu d’autres foyers que ceux de la charité. La «Old Brewery Mission». la «Protestant House of Industry» et le Refuge de Nuit étaient débordés. Hier, l’Armée du Salut a donné le dîner à sept cents pauvres, la plupart des immigrants venus aux crochets de l’Armée du Salut, et continuant ici la vie qu’ils menaient dans les vieux pays. Toutes les nationalités étaient cependant représentées, et quelques Canadiens-français partageaient ce repas, perdus dans la foule des cockneys de Londres et des matelots de Liverpool.

La crise financière est responsable d’un grand nombre des sans-travail. Elle est aussi cause que le commerce des fêtes est moins important et que les étrennes sont moins belles que d’habitude.

De partout, cependant, les dépêches annoncent que la Noël, bien qu’un peu plus modeste, a été célébrée selon l’usage antique et solennel.

 

La Patrie (Montréal), 26 décembre 1907.

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