Skip to content

Les moutons de Madame Irène

Sur ma route, je m’arrête à Sainte-Claire-de-Dorchester, sur la Côte-du-Sud, légèrement dans l’arrière-pays. Je vois qu’une boutique de trucs usagés ferme. Des vieux meubles, du linge, des brimborions de toutes sortes, dans la vitrine. J’entre. J’adore pareil endroit. On arrive à lire des vies entières dans ce qui se trouve là.

La plupart du temps, des vies bien modestes.

La vieille dame, fort gentille, me dit :

— Je m’appelle Irène. Et vous ?

— Jean.

— Bonjour, Jean. Que cherchez-vous ?

— Je ne fais que passer. Mais si vous aviez un âne, j’aimerais le voir.

— Un âne ! (dit-elle fort étonnée)

Il est bien rare qu’au Québec, quelqu’un demande un âne. Où que ce soit.

— Oui, oui, comme celui du p’tit Jésus.

— Ah. J’avais trois crèches, mais je les ai vendues. Il me reste tout de même un fond de boîte de personnages de la crèche. Si vous y trouvez un âne, vous partez avec.

Je ne me fais pas prier, vous imaginez.

— Où se trouve-t-elle ?

— Allons-y.

Et je m’attaque au contenu, mais prudemment de peur d’abîmer davantage des petites créations sans valeur, très kitch.

Et pas d’âne. Sur mon chemin, j’apprends depuis un an que les ânes, vivants ou inanimés, sont bien rares.

Mais j’aime trois petits moutons de plastique, recouverts d’une simili laine blanche, qu’on dirait frais rasés, peut-être d’avoir tant servi, et d’un ruban rouge au cou. Tout de suite, j’ai pensé à un enfant, m’accompagnant, qui aurait été si heureux que je lui en fasse cadeau.

— Allez, je vous les donne.

Et me voilà reparti avec trois petits moutons de rien, bien heureux moi-même. Les moutons de la Voie lactée. Probablement ce qu’il y avait de plus beau dans la boutique.

 

Mon père, homme tellement silencieux, ne cessait de me répéter : «La vie est bonne, John, la vie est bonne».

Pour tout vous dire, parfois j’en braillerais.

5 commentaires Publier un commentaire
  1. Ta photo m’as émue ce matin! Ce sont les moutons de la crèche de mon enfance! La crèche ancestrale qui ne tenait plus debout qu’avec du papier collant! Les moutons avait toujours fait figure d’intrus dans cette crèche en plâtre, alors qu’eux-même étaient légers et duveteux! Un ajout tardif, peut-être!

    23 décembre 2016
  2. Jean Provencher #

    Reviens-moi, chère Annie, au sujet de ces bien jolis tout petits moutons. Glisse-moi un mot à leur sujet. Je vous en ferai cadeau pour qu’ils joignent toute votre collection de santons de ce cher Laurent Bourges. Ils seront heureux de vivre avec vous plutôt que dans le fond d’une boîte de petites figurines abandonnées. Et ils deviendront copains avec le mouton de votre Sophia. Si nous trouvons une fenêtre dans la première semaine de janvier, je vous les apporterai. Ils feront connaissance avec chez vous. Ils sont très gentils.

    23 décembre 2016
  3. Esther #

    C’est en ce soir de Noël que je découvre cette photo, cette histoire des petits moutons de Madame Irène… Il y a les mêmes chez moi dont un qui la patte cassée/recollée/re-cassée/recollée… Ils proviennent de la crèche d’enfance de mon conjoint, don de sa grand-mère maternelle au milieu des années 50 et la dite crèche est de la même époque, construite de papier mâché par la même grand-mère… Trois anges d’époques(ceux composés d’une tête d’enfant avec une paire d’ailes roses) qui trouvaient place au dessus ont dû être retirés du décor il y a quelques années, trop fatigués qu’ils étaient. Cela dit, ce n’est vraiment pas la dévotion religieuse qui me lie à ce décor du moment, mais en ayant hérité en 99, cette installation désuète a son charme et fait maintenant partie du patrimoine familial.

    2 janvier 2017
  4. Jean Provencher #

    Bravo pour la conservation de cette partie du patrimoine familial ! Un pareil patrimoine ramène des émotions à la surface.

    Comme je Vous ai écrit pour vos vœux de Bonne Année 2017, je ne sais trop ce qui s’est passé avec ce message-ci envoyé le soir de Noël. Je viens de fouiller dans les commentaires reçus à ce jour et l’ai trouvé dans les «indésirables». Allez y comprendre quelque chose. Chère informatique ! Tout cela est vraiment, mais vraiment un mystère pour moi.

    Il va me falloir que j’inspecte dorénavant ce que la machine classe comme «indésirable», ça n’a pas de sens !

    2 janvier 2017
  5. Esther #

    Tout est bien qui finit bien, comme on dit… L’informatique est une merveille à la base, mais elle a aussi ses petits caprices et hoquets(rires !)

    3 janvier 2017

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS