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Un exploit pour deux jeunes pilotes du Saint-Laurent !

C’est aux acclamations d’une foule nombreuse et enthousiaste que le steamer «Dunelm» faisait, hier soir, son entrée dans le port de Montréal.

Et l’on avait raison d’applaudir ce «Dunelm», venu à la neuvième heure, mais arrivé quand même, et sans que son museau d’acier ait à se plaindre d’une égratignure.

Monter un navire océanique à Montréal, le 13 de décembre, est un exploit inouï dans les annales de notre navigation.

On ne peut donc trop féliciter les deux habiles pilotes, MM. Fortunat Hamelin et Cyriac Gauthier, pour le véritable tour de force qu’ils viennent d’accomplir.

Sans bouées, par une température qui, pour n’avoir pas été très froide, s’est par contre montrée neigeuse, malgré le vent, malgré la brume, voilà que le navire est amarré au pied de la jetée Alexandra.

Le reporter de «La Patrie» a eu l’avantage de rencontrer, hier soir, MM. Hamelin et Gauthier, les deux pilotes. Nous pourrons donc donner ci-après l’itinéraire complet suivi par le «Dunelm» depuis son départ de Québec.

Mercredi matin, à neuf heures, le 10 décembre, le «Dunelm» quittait le port de la vieille capitale, par un vent de nord-est et du grésil. À 11 hures du matin, la neige tombant de plus en plus, on mouilla à Sainte-Croix. Vers le soir, le temps s’éclaircit, mais on fut forcément obligé de remettre le départ au lendemain, vu l’absence de lumières.

Jeudi matin, à 9 heures et demie, le navire se remit de nouveau en marche et, à trois heures de l’après-midi, le «Dunelm» atteignait Trois-Rivières, où il passait la nuit, le long du quai.

Le steamer du gouvernement, le «Frontenac», vint alors à la rencontre du «Dunelm», pour le cas où ce dernier aurait eu besoin d’assistance.

Le «Frontenac» partit de Trois-Rivières à 6 heures et 45 minutes, précédant le Dunelm. En haut de Sorel, le «Frontenac» reçut l’ordre de la part du «Dunelm» de remonter à Montréal en grande vitesse, afin de préparer un endroit libre pour que le steamer océanique put accoster. Le «Dunelm» a une vitesse de 10 nœuds

Le «Dunelm» continua donc sa marche seul, et la joie des deux pilotes de la branches de Montréal trouve une explication facile. Et leur satisfaction devait être d’autant plus profonde que le plus grand pessimisme présida au départ du «Dunelm» de Québec.

«Jamais on ne pourra l’amener à Montréal, disait-on, et il faut être plus qu’audacieux pour tenter une aventure inutile.»

Le Chronicle de Québec peint bien ce que nous venons d’affirmer lorsqu’il disait dans le cours de la semaine : «La navigation est encore ouverte à Québec; nos amis de Montréal auraient-ils le bonté de le remarquer ?» Et ailleurs : «Le steamer «Dunelm» espère monter jusqu’à Montréal sans se disloquer.»

Nous ne ferons pas de commentaires, mais il est facile de saisir que MM. Hamelin et Gauthier ont doublement raison d’être fiers de leur succès. Suivent maintenant quelques notes explicatives, quelques détails sur le voyage. De Québec jusqu’au Cap à la Roche, il n’y avait pas grand danger à craindre; mais c’est à partir de cet endroit que la préoccupation devenait intense, vu qu’il n’y avait plus de bouée et qu’on se trouvait à marée basse.

Du Cap à la Roche jusqu’à Trois-Rivières, on n’avait pas trop de raison de s’alarmer. Mais ici surgissaient les plus grandes difficultés, il fallait traverser tout le lac Saint-Pierre, sur l’étendue duquel il n’y avait qu’une seule bouée, la bouée caille. Et l’on sait que sur un long parcours le chenal ne mesure que trois cents pieds de large.

Il fallait donc déployer une prudence de manœuvre et une habileté consommées. D’autant plus que le pilier de la Rivière-du-Loup qui avait l’habitude de servir de repère sur le lac Saint-Pierre, ayant été emporté par la glace l’an dernier, on se trouvait privé de ce précieux avantage pour se tenir dans le chenal.

À partir de Sorel, les deux pilotes ne se guidèrent plus que sur les «amais», comme disent les navigateurs, c’est-à-dire sur des points de repère conventionnels, où, comme ils disent encore, des «marques de terre».

Sur le quai, à l’arrivée du «Dunelm», on remarquait, parmi la foule, le capitaine Bourassa, M. Reid, ingénieur du Port, M. T. McCarthy, etc. etc.

Le «Dunelm» avait pour capitaine M. William Golding, qui en était à son premier voyage au pays.

Le navire a 265 pieds de long et 42 de large, il jauge au-dessus de 10,000 tonnes enregistrées; le «Dunelm» a un système d’engins à triple expansions. Il passera l’hiver à Montréal.

Pour résumer, jamais une arrivée de steamer n’a été attendue avec plus d’impatience dans le port de Montréal, et tous ceux qui s’intéressent à la navigation canadienne, après avoir commenté, ou pour un voyage heureux ou pour le contraire, éprouveront de la joie en apprenant que le Dunelm est à son quai, et qu’il a été amené à Montréal par deux Canadiens-français, les deux plus jeunes pilotes admis au pilotage par la Corporation des Pilotes de Montréal.

En effet, M. Fortunat Hamelin recevait ses titres le 20 mai dernier, cependant que M. Cyriac Gauthier prenait sa première ligne de navires le trois juillet 1907.

La Corporation des Pilotes de Montréal a raison d’être fière de ses deux «Benjamins».

 

La Patrie (Montréal), 14 décembre 1907.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Jean Cloutier #

    Merci pour ce document Très intéressant !
    Ce n’est pas d’hier que les pilotes font des exploits sur le Saint-Laurent !
    Salutations
    Jean Cloutier
    Pilote Bas St-Laurent

    20 décembre 2016
  2. Jean Provencher #

    Bravo à nos pilotes, cher Jean !

    Salutations cordiales à vous aussi.

    20 décembre 2016

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