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Le poète Pamphile Le May rend les armes, croit-il

maison-saint-onge-a-deschaillonsjpgPourtant, nous ne sommes qu’en 1903, il a 66 ans, et décédera le 11 juin 1918, à Deschaillons, à 81 ans. Mais dans une société où on meurt franchement plus jeune qu’aujourd’hui (en 1900, 42 ans en moyenne), Pamphile se sent bien vieux. Mon ami Jean me dit qu’il eut aussi longtemps une santé fragile.

En septembre 1903 donc, il termine ce qu’il croit être son dernier recueil Les Gouttelettes. Pour la publication, il a besoin d’argent et écrit à certaines personnes qu’il sait sensibles à la poésie.

Je publie mon dernier ouvrage. Les ans ont blanchi mes cheveux, et voici l’heure du recueillement et du repos.

«Les Gouttelettes», une collection de cent soixante et quinze sonnets, voilà le dernier effort de ma muse, et mon chant suprême.

Je ne sais quel jugement l’on portera sur cette œuvre nouvelle, mais j’attends avec confiance la critique honnête, car j’ai travaillé avec amour, et j’ai donné à ce fruit de ma vieillesse tout le soin dont j’étais capable.

M. J.-T. Saint-Jorre [Télesphore Saint-Jorre], mon gendre [marié à sa fille Évangéline], veut bien se charger de recueillir des souscriptions. C’est une tâche laborieuse, et souvent pénible aussi. Mais quand la moisson est bonne, le moissonneur sourit en essuyant son front mouillé, et la gerbe pesante le console des fatigues de la journée.

Entendra-t-on l’appel du vieux poète ?

Pamphile LeMay

Québec, septembre 1903.

 

La chroniqueure Madeleine (Anne-Marie Gleason), du quotidien montréalais La Patrie, est fort émue.

La lecture de ces lignes fait naître le désir ardent de répondre à cet appel éloquemment humble.

Le vieux poète verra son œuvre accueillie avec ferveur, c’est le suprême don de son talent, le dernier son de sa lyre, l’écho final de sa poésie qui vient à nous, et nous recevrons cet adieu avec l’attendrissement qui monte du passé. Car quel est celui d’entre nous à qui le nom de Pamphile Lemay ne rappelle un souvenir heureux.

Puis, Madeleine se souvient qu’elle connut un premier ouvrage de Le May alors qu’elle était toute jeune. «Je me revus, fillette, dans la solitude malbaïenne, perdue dans le bocage ombreux, où chaque arbre prenait alors l’air rébarbatif d’un Iroquois.» Et la chroniqueure souligne l’importance de ces ouvreurs de chemins dans la littérature québécoise.

Il appartient à une génération qui a noblement travaillé pour le succès des lettres canadiennes. Les temps d’alors étaient encore plus durs aux littérateurs que les jours présents, et il fallait aux écrivains une énergie peu commune et un extraordinaire amour de l’art, pour vaincre l’adversité. […]

Ceux-là ont vraiment travaillé, leur œuvre n’est pas parfaite, dira le critique, non, mais l’ensemble est fier, agréable et touchant. Respectons les devanciers qui ont tracé le sillon où nous marchons, nous les jeunes; n’oublions pas que ceux qui nous ont ouvert la route ont droit à notre respect, car ce qu’ils ont fait hier, nous ne devons pas le recommencer aujourd’hui.

Ils ont été les défricheurs dans la terre neuve de notre littérature…

 

La photographie ci-haut est celle de la maison d’un autre gendre de Le May, Ernest Saint-Onge, à Deschaillons, boulevard Marie-Victorin. L’écrivain se retira à cet endroit en 1912. Il décède le 11 juin 1918 en présence des siens et repose dans le lot des Saint-Onge, à Deschaillons.

Merci, cher Jean, de m’avoir tant aidé à détricoter tout cela.

 

P. S. À la lecture de cette humble lettre de Pamphile qu’elle a aimée, une amie rajoute :

Pour moi, Pamphile Le May, c’est également Deschaillons —d’où est issue la famille de mon père— et les récits de ma grand-mère Parmélie, qui me passionnaient tant. Elle m’a entre autres raconté que dans le village de Deschaillons lorsqu’on croisait Pamphile Le May, on le saluait (j’imagine que cela devait être le fait des hommes) en disant: «salut auguste Pamphile». Son statut de poète impressionnait ses concitoyens.

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