Les aventures d’une abeille attachante, folle de l’eau de mon puits

Hier encore, tout allait, elle savait qu’il lui fallait être prudente. Aujourd’hui, ô malheur, je la trouve dans l’abreuvoir, flottante, immobile, dérivant lorsque vient un coup de vent. Manifestement, c’est la fin.

Vous vous souvenez d’elle.

Doucement, je la repêche dans le creux de ma main.

Étonnement. Elle bouge. Alors, je la porte sur la galerie où elle demeure immobile. Je vais lui chercher à l’intérieur une pincée de sucre. Puis attrape quelques longues feuilles d’hémérocalle que je réduis en morceau, histoire de l’entourer.

Et je lui parle, tente aussi du bout d’une de ses feuilles de l’éveiller, de la faire bouger.

Doucement, elle sort d’un sommeil. Et quand vient la préhension, quand elle tient de ses pattes le bout de la feuille, comme un enfant nouveau-né, je me réjouis tant. Je peux même la lever de terre grâce à ses prises.

«Voilà, ça vient, chère.»

Et je passe de longs moments avec elle, trois quarts d’heure certainement. Mais lorsqu’elle entreprend de marcher, ses pattes ne la portent pas après un moment. Comme une abeille épuisée.

Dépouillée des feuilles d’hémérocalle quand vient un coup de vent et de peur qu’elle ne tombe sous la galerie si elle se met à marcher en titubant, je la pose dans un petit contenant de plastique, au grand air, pour lui donner le temps de se rebâtir.

Mais a-t-elle trop avalé d’eau ? Est-elle, de toute façon, en fin de vie ? Son capital de 45 jours, comme chez toute abeille, arrive-t-il à terme ? L’ai-je dérangée dans son laisser mourir ?

Je sais, cela peut paraître risible. J’aurais pu rapidement l’achever. Il y a tellement plus grave en ce monde. Mais celle-ci est avec moi depuis des jours. Et tout ce qui vit a bien le droit de vivre.

Nos êtres sont chers.