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La fidélité du Moineau domestique

moineau domestiqueVoici que l’automne, sans un mot d’avertissement, fond brusquement en larmes et nous inondent d’une belle manière. Et cette pluie triste, froide ! oh ! là ! là !

Oui il n’y a plus à dire mon bel ami : l’hiver montre les dents comme un ours ! …… un ours qui grogne, griffe et mord…brrr !

Puis, ces hirondelles qui s’en vont ! …… Bah ! faisons à leur sujet l’économie d’un sentimentalisme qui s’égare… Car, reconnaissons-le, elles ne valent pas, ces exquises lâcheuses, même la peine qu’on salue leur départ. C’est aux poètes que nous sommes redevables de ce culte bébète que rien ne justifie.

En daubant ici sur les poètes, j’ai une excuse, le souci de la vérité, leur éternelle ennemie.

La fidélité de l’hirondelle ! ……

Quelle duperie, au fond, que ces autels dressés par les poètes à cette fidélité ! quelle aberration mentale que cet émoi clamé en vers roses par lesquels ils accueillent son retour et saluent son dernier coup d’aile !

Étudions-la cette prétendue fidélité. Au printemps, à l’aurore des joies terrestres, l’hirondelle nous arrive…bien.

Mais à l’automne, aux premières larmes de l’hiver, à ce temps de noir chagrin, cherchez donc en ‘air l’ami des beaux jours !…… l’hirondelle a fui, à l’anglaise, sans vous tirer sa révérence.

Mais il existe un autre oiseau entre tous fidèle jusqu’à la mort, attaché au pays qui l’a vu naître, aux amis qui le soutiennent et lui donnent abri. Un oiseau dédaigné, pourchassé quelque part, mais aimé pourtant des bonnes gens…… Y êtes-vous ?

Oui, c’est ce bambin du père Pierrot; ce bambin piailleur, bavard, gourmand; c’est ce petit cireur de bottes, l’ami de toutes les heures,… un peu voleur, dit-on ! mais si bon enfant, si gai, pardessus tout fidèle.

L’hiver peut venir, et les grands froids et la neige : il restera là, lui, vous le verrez encore, chaque jour et sans cesse, cherchant sa vie par les rues fréquentées ou bien dans les allées désertes, venant quelquefois vous la demander à votre fenêtre ou grelottant au vent qui l’ébouriffe, se tapit derrière un gros piquet et semble dire :

— Hein ! mes amis, en v’là un temps ! Ça ce fait rien, tenons ferme, le printemps viendra……

Voilà l’oiseau que nos bardes devraient chanter……. Voilà l’ami constant que nos poètes devraient exalter !…….

Faisons lui la place large au foyer, parmi ceux que nous aimons, à ce pauvre petit bambin…….. Rendons-lui moins dur ce temps d’hiver……….Sa fidélité et ses services nous consoleront du lâchage des hirondelles !

Ernest Déliose.

 

L’Étoile du Nord (Joliette), 24 octobre 1895.

Il ne faut rien enlever à cet homme au sujet de ce texte sur le moineau que j’aime bien. Mais il faut dire, sans qu’il soit n’en soit fait mention de la part de l’hebdo joliettain, que ce propos est d’origine française. Et nous ne pourrions pas tenir un discours semblable sur nos hirondelles à nous. Les nôtres, les miennes, du moins chez moi, sont déjà parties depuis longtemps, aussi tôt qu’au mois d’août. Elles doivent faire un bien long voyage. Voilà le danger de servir au public lecteur des textes qui n’ont pas ici l’assise qu’on croit.

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