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Qui sommes-nous, selon le géographe français Onésime Reclus (1827-1916). Troisième de trois parties

quais-de-montrealLes deux premières parties apparaissaient hier et avant-hier sur ce site. Voici la fin de ce texte de Reclus rédigé en 1885 et apparaissant dans son grand ouvrage de près de 1000 pages, La Terre à vol d’oiseau.

Depuis cinquante ans, les Canadiens-Français ont repris le nombre et l’autorité dans Montréal, la grande ville de commerce; ils ont ressaisi la plus grande part des Cantons de l’Est, beau pays de montagne à la frontière des États-Unis originairement colonisé par les «Loyalistes»; en Gaspésie et sur le bas Outaouais, ils ont refoulé l’élément «saxon»; ils ont pris pied dans le Labrador qui a 1000 kilomètres de front sur l’eau salée, dans les pays du haut Outaouais, du haut Saint-Maurice et du lac Saint-Jean, sur les routes de la baie d’Hudson et des terres du Nord-Est — tout cela dans leur Canada deux fois grand comme la France en y comprenant Labrador et Nord cultivable.

À l’est de leur Canada, sous le nom d’Acadiens, ils refleurissent sur les rivages de leur chère Acadie d’où les avait arrachés un abominable ouragan; dispersés au commencement du siècle en misérables hameaux qui ne se connaissaient pas entre eux, ils s’y sont groupés en peuple, et par leur fécondité supérieure grandissent plus vite que l’élément étranger qui les presse. […]

Et pendant qu’ils reconquéraient ainsi sur l’Anglais le pays conquis par leurs pères sur la solitude, ils envoyaient malheureusement tant de familles aux États-Unis que l’Union renferme à l’heure présente environ 550 000 Franco-Canadiens, moitié dans les villes industrielles et dans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre, moitié dans les défrichements du Grand-Ouest.

Avec les 1 450 000 qui vivent aujourd’hui (1886) dans la Puissance, cela fait 2 millions d’hommes, fils des 65 000 paysans d’il y a cent vingt-cinq années. […]

Ainsi se révolta contre la fortune, ainsi triompha d’elle et triomphe toujours ce peuple qui n’a jamais désespéré. Longtemps, il attendit, minime encore, le retour des fleurs de lis; il n’attend rien du drapeau tricolore, mais il se sent désormais assez grand pour se tracer tout seul un chemin dans le monde. Puissant par son adossement au pôle, voyant sa fécondité, lisant son histoire héroïque, il a foi dans sa destinée manifeste, et, force qui nous manque, ses hommes simples et bons lèvent souvent les yeux. […]

C’est une race d’hommes hauts, musculeux, durs à la fatigue, forts contre le froid. Passionnément catholique, elle ne parle que le français. Héritage des paysans normands, picards, percherons, angevins, poitevins du dix-septième siècle, leur langue est excellente; elle a gardé, par centaines, de bons vieux mots dont les pédants nous ont appauvris; son accent paysan réjouit ceux d’entre nous Français qui ont vécu dans la paysannerie de langue d’oil : le Normand y retrouve l’accent de la Normandie, l’Angevin celui de l’Anjou, le Berrichon celui du Berry et le Saintongeais celui de la Saintonge.

 

Les gravures apparaissent dans le récit de Reclus aux pages 632 et 633.

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