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«Cherchons l’ombre ou gare aux insolations»

pataugeoire jour de grande chaleur

La vie est bien chaude, en ville.

Celui qui trouverait le moyen d’enfermer dans des outres aux proportions géantes l’air salin et presque toujours frais de nos plages à la mode, pour ensuite nous le servir à petites doses, à nous qui n’avons pas assez de galette pour nous permettre une vacance indéfiniment prolongée, aurait fait là une découverte dont il pourrait se vanter; il pourrait se coucher sur ses deux oreilles pour le restant de ses jours et serait toujours assuré d’avoir du pain et d’autre chose avec, sur la planche, pour toute une multitude de lendemains.

Mais en attendant que ça vienne, il fait chaud comme dans un four, dans ce bon Montréal où les bonnes âmes crèvent sans trop de plaintes.

Le beau sexe se couvre de tissus légers et nargue l’autre sexe, le pas du tout beau, qui n’a pas encore trouvé le moyen de s’enlever quelques étoffes pesantes de l’épiderme. Où vont les chaussettes (shirt-waists) d’antan; ces éphémères chemisettes de l’an dernier qui ont soulevé tant de réprobations et tant d’ires ?

Nous n’en avons rencontré qu’une à venir jusqu’à ce jour, et pourtant la vague chaude, commencée il y a quelques jours, s’éternisera, nous prédisent les astronomes et les poètes, gens pour qui l’alphabet sidéral n’a pas de secrets.

Hier, il ventait un peu, mais c’était un vent chaud, soulevant comme son frère le simoun, des nuées de poussière aveuglante. Les arrosoirs municipaux s’étaient enclos sous les hangars et n’en sortiront que la veille de la prochaine averse.

Hier, vers le soir, l’atmosphère se satura d’humidité et des éclairs zébrèrent l’horizon. Quelques gouttelettes tombèrent pendant une demi-minute. Aujourd’hui, le simoun a diminué, il plane moins d’humidité sur nos têtes, mais il fait plus chaud.

Le thermomètre a commencé son ascension et atteindre, paraît-il, des hauteurs vertigineuses. La vague chaude sera intense que celle de l’an dernier [sic]. Ne désespérons pas, nous ne sommes qu’au commencement. Les marchands de crème à la glace et les bains publics vont être encombrés de clients. Cherchons l’ombre ou gare aux insolations.

 

La Patrie (Montréal), 14 juillet 1902.

La photographie prise par Conrad Poirier le 30 juin 1944 est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le Vieux-Montréal, Fonds Conrad Poirier, Photographies, cote : P48,S1,P10460. On y lit : Pendant la vague de chaleur, les enfants se rafraîchissent dans une pataugeoire située près du boulevard Dorchester et de la rue Sainte-Catherine Ouest à Wetsmount.

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