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Le plaisir de se retrouver sur la Terrasse à Québec

reconstitution de lAbitation en 1908Un jour, quelqu’un nous proposera une anthologie des grands textes sur la terrasse Dufferin à Québec. Celui-ci, par exemple, absolument lyrique, pourrait y apparaître. L’observateur du quotidien montréalais La Patrie se retrouve à Québec au moment des fêtes de tricentenaire de la ville en 1908. On lit son délire d’être sur la terrasse.

Il y avait musique sur la terrasse hier soir donnée par la fanfare du vaisseau amiral français, le «Léon Gambetta». La température était idéalement belle et la terrasse flamboyait de la lumière des millions de feux qu’on a posés tout autour durant ces derniers jours. Impossible d’imaginer un spectacle aussi féérique que celui d’hier soir sur la Terrasse Dufferin.

La monstrueuse masse de pierre et de bois toute imprégnée d’air et de lumière palpite sous les caresses de la brise australe. Le jour s’enfuit; une à une, sous le voile transparent des cieux, les étoiles se regardent comme pour venir regarder celles qui brillent si nombreuses dans ce coin du vieux Québec.

Au-dessous de nous, s’ouvre un abîme, la partie vieille de la cité qui tout le jour a gémi et bourdonné et nous entendons mourir la vaste voix de cette ruche humaine. Ce n’est plus bientôt qu’une grande ombre piquée partout de cédilles de feu; les étoiles des chars [les tramways de la basse-ville] se croisent et fuient dans les rues qu’on ne distingue plus, et pourtant cent clartés naissent, luisent et passent tour à tour.

Le fleuve, à côté, semble un long et large ruban moiré. Au bord, sur les quais, quelques grosses lanternes projettent une lumière blafarde et, sur l’eau, il y a des miroitements de lumières à travers lesquelles des ombres circulent. Là bas, en face, est-ce l’eau encore, est-ce la terre ? C’est Lévis. De gros scarabées de feu grimpent tout là-haut, jusqu’à la fine dentelle que découpent, dans le ciel resté bleu malgré l’obscurité, les tours, les dômes, les clochers de la gentille ville-sœur.

Ravie par ce spectacle enchanteur, l’immense foule qui se presse sur la Terrasse et qui est venue là vivre un instant de lumière, de parfums et de musique, semble fascinée par l’abîme quasi mystérieux qui s’ouvre à ses pieds.

Et si elle reporte ses regards de l’autre côté, c’est le spectacle de la masse brillante du Château Frontenac qui frappe ses regards. L’imposante construction est éclairée par des milliers de lumières, jaunes, rouges, vertes et bleues, qui disposées le long des créneaux, des arcades dans les tourelles et dans les fenêtres, soulignent tous les détails architecturaux du gentil manoir.

Pendant ce temps, du haut du kiosque, les petits marins français charment délicieusement nos oreilles et lancent aux échos les plus beaux airs de France.

 

La Patrie (Montréal), 21 juillet 1908.

La photographie de la reconstitution de l’Abitation de Champlain à la basse-ville de Québec et la rencontre avec des Amérindiens, un des stéréogrammes sur le Tricentenaire de Québec en 1908, de Keystone View Company, provient de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection Centre d’archives de Québec, Documents iconographiques, cote : 03Q_P1000,S4,D62,P16.

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