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«La fleur d’oubli»

chevelure

du Che-King.

Il est le premier parmi les meilleurs, il est le plus valeureux des guerriers, le charmant Pé-hy, mon bien-aimé.

Comme il saisit fièrement la lance, quand il chevauche à l’avant-garde du roi !

Mais, hélas ! il est allé combattre dans l’Est, le beau Pé-hy, et voici que je laisse flotter en désordre ma chevelure, ainsi que les houppes du cotonnier, que le vent emmêle et disperse.

J’ai pourtant des essences délicieuses pour parfumer ma tête ; j’ai des ornements d’or, j’ai des robes brodées et des ceintures de soie. Mais, loin de lui, je ne veux pas être belle.

Comme il me blesse, le soleil qui resplendit et empourpre les nuages ! Ah ! que plutôt la pluie submerge la terre, tandis que mon âme se noie dans la douleur !

Je sais bien où la trouver, la plante bienfaisante qui donne l’oubli ; elle croît dans l’enclos de la maison, du côté du nord.

Mais je n’irai pas la cueillir, je ne veux pas oublier. Je suis torturée par le désespoir, et pourtant, ce désespoir, je le chéris puisque c’est tout ce qui me reste du bien-aimé !…

 

(Livre des Vers, chant VIII, section V.)

Ce texte est extrait de l’ouvrage de Judith Gautier (1845-1917), Le livre de jade, Paris, Plon, 1933.

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