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De l’auteur du roman «Alexis Zorba»

Page couverture

Voici un petit livre qui m’est bien cher, exigeant cependant. Nikis Kazantzaki, né dans l’île de Crête en 1883, a vécu son enfance au milieu de la guerre menée par les patriotes crétois contre leurs oppresseurs turcs. Il a réécrit Ascèse Salvatores Dei, publié une première fois en 1927, alors qu’au sortir de la seconde guerre, il vivait à Berlin.

Trente ans après, l’ouvrage fut mis à l’index par l’Église et persécuté par le clergé et les autorités politiques de son pays.

Lui ? Il avait passé sa vie à combattre l’injustice, la misère, les malentendus et il avait tenté de dire l’indicible. Extraits. On s’enlève du chemin, ça s’en vient large. Occasion encore une fois d’oublier le confort du ras-des-pâquerettes.

Nous sommes Dieu qui nous a créés libres.

La lumière éparpillée est exilée dans la pierre, la plante, la poussière; c’est à l’homme libre de la délivrer. Car en la délivrant il se délivre lui-même. Il est au centre du tourbillon de l’Univers.

Vint un jour où L’Homme, encore à l’état de brut, perçoit un cri, celui de l’«étincelle prisonnière».

Dans les corps vivants, deux courants luttent : l’un tend vers la composition, la vie, l’immortalité; l’autre tend vers la décomposition, la matière, la mort. Tous deux ont leur source dans les profondeurs de la force primordiale.

Serein et lucide, je contemple le monde et dis : Tout ce que je vois, entends, goûte, flaire et touche est création de mon esprit.

J’interroge, j’interroge encore, je cogne dans les ténèbres : Qui nous a plantés sur la terre sans nous en demander la permission ? Qui nous a déracinés de cette terre sans nous en demander la permission ?

Je veux trouver une raison de vivre, pour supporter l’horrible spectacle quotidien de la maladie, de la laideur, de l’injustice et de la mort.

Le cerveau s’adapte; il veut remplir sa prison, le crâne, de grandes œuvres. Sur les murs, il veut tracer des mots d’ordre héroïques, et peindre des ailes de liberté sur ses chaînes.

Je tiens mon verre plein, et revis la fatigue du grand-père et de l’arrière-grand-père; mon large front ruisselle de sueur.

Je veux dépasser la loi, briser les corps, vaincre la mort ! Je suis la semence.

Le Cri que tu as entendu ne vient pas de toi seul. Ce n’est pas toi seul qui parles. D’innombrables ancêtres parlent aussi par ta bouche. Ce n’est pas toi seul qui désires : d’innombrables générations de descendants désirent déjà dans ton cœur.

Tes morts ne reposent pas dans la terre. Ils se sont transformés en oiseaux, en arbres, en air. C’est à leur ombre que tu es assis, de leur chair que tu te nourris, de leur haleine que tu te gonfles. Ils sont devenus les idées et les passions qui déterminent ta volonté et tes actes.

Les générations futures n’existent pas dans un temps lointain et vague, mais agissent et désirent déjà dans ton cœur et dans tes reins.

 

Nikos Kazantzaki, Ascèse Salvatores Dei, texte établi par Aziz Izzet, Paris, Librarie Plon, 1959. Cet ouvrage provient de ma bibliothèque de livres de sagesse.

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