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Les hivers difficiles

refuges pour les pauvres (La Patrie,10 fev. 1906)En ville, les hivers sont plus difficiles qu’à la campagne pour les miséreux. Aussi prévoit-on pour eux des logis d’accueil.

Avec les grands froids que nous venons d’avoir, les premiers de cet hiver pour ainsi dire, il n’est que juste de penser aux malheureux qui n’ont pas d’abri et de chercher à nous informer si notre ville [Montréal] compte des institutions charitables en nombre suffisant.

Le représentant de la PATRIE a donc, hier après-midi, entrepris une visite hâtive de nos principales maisons de refuges, «homes» anglais et maisons d’assistance publique. Il ne peut raconter toutes les histoires lamentables qu’il a récoltées là, dans ces lieux où règnent la misère la plus affreuse et l’abandon le plus complet, mais il a été plus d’une fois ému par ces récits où plus d’un cœur endurci se serait attendri.

Il est toutefois juste de dire que notre ville, comme bien d’autres grandes villes, ne manque pas d’institutions de secours envers les malheureux que la guigne ou la fatalité prive de toutes ressources. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour des améliorations dans notre question locale du paupérisme, mais, telles qu’elles sont, nos institutions privées font un grand bien à notre population. […]

Mais ne nous attardons pas outre mesure et voyons un peu d’une façon sommaire le bien que font nos institutions de charité parmi notre population. À l’Assistance publique, la moyenne des hommes et femmes logés gratuitement pendant l’année est de 109 et, sur ce nombre, il faut compter au moins une quarantaine de sujets qui séjournent dans cet asile d’un bout de l’année à l’autre.

La plupart, s’ils sont malades, reçoivent les soins nécessaires à l’institution même, la plupart semblent avoir une crainte déraisonnable de l’hôpital. Il se donne environ 30,000 repas par année et Mlle Morache, la secrétaire de l’institution, nous disait qu’on trouvait de l’ouvrage pour environ 50 p. c. des sujets valides qui se présentaient à l’institution.

M. R. Ouimet, du Refuge de Nuit, nous dit que le dernier relevé de ses habitués a atteint 16,500 et qu’il a servi au moins 50,000 repas durant la dernière année écoulée. Il a de vieux et honnêtes habitués depuis la fondation de son refuge, il y a sept ou huit ans. M. Ouimet nous a raconté certains cas de misère étonnants. «Je ne vous dirai pas les noms, nous dit-il, mais vous seriez étonné de rencontrer parmi mes clients de passage plusieurs figures bien connues sur la rue Saint-Jacques. C’était sans doute des victimes d’une malchance passagère.»

Il n’y a pas de doute que ces maisons de refuge doivent abriter bien des romans de la vie réelle que l’écrivain le plus fertile ne saurait imaginer.

Au «Montreal Protestant House of Industry and Refuge», rue Dorchester, on a logé pendant l’année dernière 19,774 hommes et 258 femmes, et l’on a servi 40,200 repas.

À la Old Brewery Mission, on a logé l’année dernière 38,290 personnes et l’on a donné au-delà de 70,000 repas. Enfin, l’Armée du Salut a donné l’hospitalité à près de 40,000 personnes et a servi plus de 50,000 repas.

Il faut donc que la misère des grandes villes soit bien profonde pour qu’après de pareilles charités, il reste encore des pauvres honteux pour aller mendier le pain de chaque jour de porte en porte.

Le conseil de ville aide de ses fonds plusieurs de ces institutions charitables, mais nous ne cessons pas de croire que nos gouvernants devraient faire encore mieux pour soulager la misère et faire disparaître la mendicité dans nos rues. C’est un spectacle trop attristant pour un pays où la civilisation prétend régner en reine et maîtresse.

 

La Patrie (Montréal), 10 février 1906. L’image est la une de La Patrie de ce jour.

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