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Le bonheur des enfants du primaire

Premiere neige, vue de la bibliothequeIl faisait tempête, la première de la saison. La route était mauvaise. Quarante kilomètres sur l’autoroute. J’ai bien fait d’être parti tôt. Arrivé à 8 heures 30. Mesdames Isabelle Hallé et Kim Picard m’attendaient, occupées à «disposer» la salle. Vu d’une fenêtre de la bibliothèque, ça donnait cela. Les deux classes de 5e et 6e années ont surgi à 9 heures. Quarante-quatre enfants.

L’événement a duré une heure trente. Impossible à résumer. J’ouvrais une porte, ils s’y engouffraient. Ils en ouvraient une, et voilà qu’à mon tour j’y entrais. Toutes les questions ou réflexions étaient permises. La première, d’un garçon, sans tarder : «Quel âge avez-vous ?» Une fille lui répond «On ne pose pas de telle question». Je lui ai dit tout de suite : «Bien oui. Ça ne me dérange pas». Le bal était lancé.

Vous dire. Avec le train du matin à l’étable, auquel les enfants devaient participer, tout de suite : le sujet des animaux. Je pensais à ces enfants newyorkais, dont 67% n’ont jamais vu de vaches, sinon dans les livres. Les enfants de Saint-Apollinaire, ô bonheur, connaissent les bêtes, les vraies, et les fréquentent.

Longs propos sur la domestication, sa grandeur, mais ses limites.

Même la moufette y passe. Y compris celle du film Bach et Bottine.

Cette jeune fille qui habite un gardiennage de 60 chevaux, a le sien propre et nous dit qu’une portion d’avoine rend vigoureux l’animal.

Et puis les tâches des filles et des garçons. Échange sur les tissus, leur fabrication, le métier à tisser. Comme à l’ancienne, un garçon sait manier le métier.

Une jeune fille confie qu’elle est la quatrième génération des femmes de sa famille, depuis son arrière-grand-mère, à apprendre la couture.

Un autre nous amène sur les techniques de conservation des viandes.

Et puis «Qu’est-ce qu’ils utilisaient comme papier de toilette ?»

«Y avait-il des frigos ?»

Les morts d’enfant aussi, lors des maux d’été.

Boston, le chien.

«Qu’est-ce que le sarrasin ?», qu’on battait dans les grange comme les céréales, avant d’aller faire moudre au moulin, demande un garçon. Et nous voilà partis sur la galette.

Ça fusait.

J’adore. Leur cerveau est comme le mien : des machines à maïs soufflé.

La réflexion de l’un faisait naître une question chez le voisin.

Dieu que ces enfants avaient soif de témoigner, de proposer en partage leur vécu, leurs connaissances !

Quand tout fut terminé, alors que toutes et tous allaient récupérer leurs vêtements d’hiver dans la pièce à côté, trois jeunes filles s’approchent, discrètement. Viennent tout près. Et la plus grande demande à voix basse : «Cédrika, est-elle parente avec vous ?»

«Oui, ma chatte, nous avons le même ancêtre. Tous les Provencher d’Amérique descendent de Sébastien, le premier. Il s’est installé près d’où on a trouvé Cédrika, à Sainte-Marthe du Cap, à la frontière avec Champlain. C’est un événement si triste. Au Québec, tu le vois, nous sommes tous blessés. Il faut se tenir solidaires. Les Noirs américains ont des techniques d’apaisement. Ils disent «Healing». Ils chantent et se tiennent par la main. Nos Amérindiens aussi.»

Les trois jeunes filles s’éloignant, une dernière, à l’écart, s’approche, très calme, et échappe à voix basse, d’une douceur infinie voisinant la tendresse : «Je voulais vous remercier. J’ai beaucoup aimé cela». Elle me décrochait la lune.

Si chers enfants précieux. Un grand cadeau pour moi que cette rencontre.

 

Les deux dernières photographies sont de Madame Kim Picard.

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