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Sus aux mauvais chemins ruraux !

La route idealeLes gens des campagnes tempêtent, les chemins ne sont pas allables.

Les automobilistes, les «chauffards» comme les appelle irrévérencieusement le peuple parisien, ne sont pas du tout satisfaits ne l’état de nos chemins ruraux.

Les simples piétons ne les aiment guère non plus et les braves cultivateurs sont loin d’en raffoler, surtout quand quelque fondrière inaperçue fait basculer leur charrette chargée de foin ou, mieux encore, de pommes de terre qui s’empressent de se disperser soit dans la boue gluante, soit dans l’épaisse couche de poussière dont est toujours couverte toute respectable route canadienne soucieux de sa réputation.

Dans la République Argentine, les cultivateurs roublards des environs de Buenos Ayres versent leur lait dans des bidons qu’ils fixent le long du bât de leurs mules, puis, au trot, se mettent en route pour la ville. Et, à leur arrivée, le lait s’est transformé en un excellent beurre frais dont se délectent les «hijos» et les «hijas dos pais».

Au Canada, le trot de la mule ne serait pas nécessaire pour obtenir le même résultat. Le lait de tout bidon placé dans une charrette lancée à une allure modérée sur les innombrables cahots de nos chemins deviendrait certainement du beurre au bout de peu de milles.

La suppression de la baratte, un beurre non tripatouillé auquel manquerait seulement le sel, voilà les seuls avantages que nos mauvais chemins pourraient procurer à nos cultivateurs. Et ils ne savent pas en profiter !

Certes, la question des chemins ruraux n’est pas une nouveauté; déjà elle a fourni des sujets de discours intéressants, et on l’a agitée dans maintes assemblées, Mais les améliorations étant extrêmement lentes à venir, elle est et sera peut-être encore longtemps d’actualité.

Par ci, par là, cependant, des «Associations des Bons Chemins» ont été organisées. Leurs membres s’accordent pour reconnaître l’utilité des bons chemins et, récemment, l’Association du district de St-François s’est proposée de faire tout son possible pour obtenir, dans chaque comté dudit district, la construction d’un demi-mille de chemin sous la surveillance d’un inspecteur «ad hoc» du gouvernement.

On n’en est encore, on le voit, qu’à la période des projets de ce côté-là; mais on a enfin reconnu en principe les multiples avantages des chemins aisément praticables.

Pour les cultivateurs, ces avantages sont la facilité et la rapidité du transport, la prolongation de durée du matériel de ferme et l’augmentation de la valeur des propriétés que l’on évalue de 15 à 20 pour cent.

Mais, pour les automobilistes, amis du vagabondage, pour ceux qui rêvent de brûler les étapes, d’errer à l’aventure dans des régions où n’a pas encore pénétré le chemin de fer, avec le nouveau véhicule sans cheval dont la mode se répand de plus en plus, les bons chemins sont une nécessité. Sans eux, l’automobilisme devient impossible ou, tout au moins, très dangereux. Et il y a là, cependant, un sport et une industrie à encourager comme susceptible de rendre, plus tard, de grands services au commerce.

 

La Patrie (Montréal), 3 septembre 1904.

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