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Un désastre sur Montréal

montreal devaste par la tempeteFoudre, grêle, vent impétueux, pluie battante, rien n’a manqué à la tempête qui s’est abattue sur Montréal et ses environs hier après-midi.

Depuis le matin, la température avait été maussade et les nuages sombres se succédaient à l’horizon pour être bientôt chassés par le vent. À certains moments, le brouillard se fondait en pluie serrée et faisait place aussitôt à un soleil brillant. Ce n’était que de rares éclaircies dans cette demi-obscurité qui enveloppait la ville.

Pourtant personne n’aurait pensé que les nuées d’encre qui s’amoncelaient tranquillement eussent porté dans leurs flancs l’ouragan terrible, si effroyable que les hommes de la génération actuelle n’en ont jamais vu de semblable.

Vers quatre heures, une accalmie se fit dans la nature troublée. Mais ce n’était qu’un répit de quelques minutes, l’orage prenait des forces pour fondre sur nous avec plus de rapidité et plus de violence. Le vent s’éleva graduellement, la foudre sillonne la nue sombre, et le tonnerre réveille sourdement les échos endormis du mont Royal; la pluie tombe par torrents.

Il est alors 4.40. Mais voici que le vent souffle en tempête, une grêle fine couvre les trottoirs et la seconde d’ensuite l’ouragan se déchaîne dans toute son horreur. La grêle fouette les croisées; ce ne sont plus de minces grêlons, ce sont des morceaux de glace de la grosseur d’un œuf de poule ordinaire qui tombent sur les toits, dans les fenêtres, dont ils brisent toutes les vitres dans un cliquetis effroyable. Et couvrant ce tumulte de la nature en courroux, la foudre éclate avec fracas. L’ouragan renverse les arbres séculaires, brise les fils électriques et sème partout l’effroi et le désastre.

Durant cinq bonnes minutes, la grêle tombe avec un bruit assourdissant, pour faire place ensuite à une pluie battante qui inonde nos rues et fait regorger les bouches d’égouts.

Dans les familles, les mères allument le cierge bénit, font des aspersions d’eau sainte, invoquent le patron qu’elles se sont choisi au ciel et les enfants à genoux récitent des prières pour ne pas être emportés dans ce tumulte des éléments en délire.

Cependant le ciel s’éclaircit et bientôt le calme se rétablit. C’est alors que l’on constate les ravages causés par la tempête. On est étonné de la grosseur des grêlons, on compte le nombre de carreaux brisés, et c’est avec un serrement de cœur que l’on voit le sol jonché de feuilles, de débris de toutes sortes. On est pourtant heureux d’avoir été épargné dans cette tourmente.

Sur le pas des portes, les commères se racontent leurs impressions, leurs craintes et que sais-je. Pendant ce temps, le reporter, lui, commence sa tournée pour constater les ravages et les pertes causées par l’ouragan.

 

La Patrie (Montréal), 19 septembre 1898.

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