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Le bonheur d’une ballade à la campagne, septembre venu

filantversplessisvilleEt, dans sa chronique du lundi, la journaliste Françoise [Robertine Barry (1863-1910)] choisit de nous amener dans les Cantons de l’Est.

Les citadins, en général, ignorent les délices de la campagne durant les beaux jours du mois de septembre.

On se rend volontiers pour l’éclosion des fleurs, mais on repart avant leur entier épanouissement.

Pourtant qu’elle est belle la verte terre quand, après avoir prodigué le meilleur de son essence, elle se repose de sa fécondité en jouissant de la riche parure dont elle est couverte.

J’ai eu la bonne fortune d’admirer de près toutes ces splendeurs, en allant passer une partie de la semaine dernière dans les Cantons de l’Est. […]

J’avais déjà visité Waterloo, l’hiver, par un froid d’Alaska — comparaison plus fin de siècle que celle que l’on fait d’ordinaire avec la Sibérie — c’est assez dire que je n’avais rien vu en dehors du rayon d’un feu de grille.

Aujourd’hui, quelle différence ! Je n’avais pas les yeux assez grands pour tout regarder, pour tout admirer, et si j’en ai poussé des exclamations sur tous les tons, au risque d’ennuyer ceux qui m’entouraient !

Ainsi que je vous le disais tout à l’heure, c’est par les tièdes journées de l’été mourant que l’on doit visiter les riches Cantons de l’Est, leurs champs luxuriants, leurs montagnes couvertes de forêts touffues où le soleil a mis des gammes de chaudes couleurs, les lacs aux eaux phosphorescentes, et les routes royales, où l’on fait, Dieu sait, de si agréables promenades.

Ce qui frappe encore, c’est le cachet d’aisance de chacune des habitations : pas de masure chancelante, pas de hutte criant la misère par les toits crevés. La plus pauvre a sa petite maisonnette solidement assise et son lopin de terre bien cultivée.

Je remarque avec plaisir la grande protection que l’on accorde aux arbres; chaque propriété a ses bosquets, les routes publiques sont bordées de longs peupliers ou d’énormes érables qui étendent leurs rameaux flexibles au-dessus de la tête du voyageur. […]

Peut-on se figurer quoi de plus ravissant que ces excursions à travers les campagnes, sous le dôme des feuillages, à écouter les oiseaux, à respirer les fraîches émanations qui se dégagent des arbres et des plantes, tandis que mollement flottent dans l’air doux et pur de blancs fils de la Vierge…

Puis, le soir, Phébé, la blonde, paraissait aux yeux ravis des voyageurs, inondant la scène de poésie et de sereine clarté; tantôt, elle glissait ses rayons d’or à travers les bois aux ramures empourprées, tantôt elle illuminait, majestueuse, les eaux des grands lacs où se miraient les étoiles, et répandait sur toutes choses tant de grâces et de beautés radieuses que nos âmes en étaient émues…

Que la vie serait belle si les rêves que l’on imagine alors prenaient la forme tangible de la réalisation !

 

La Patrie, 13 septembre 1897.

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