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Ne prenons pas les Amérindiens pour des retardés

indienne cherokee et fils de sitting bullUn prêtre, l’abbé J. E. Picotte, qui a travaillé chez les Amérindiens de la Colombie britannique, est insulté. Il a lu dans le quotidien montréalais La Presse du 5 mai 1903 les commentaires de deux voyageurs français, Numa Blès et Lucien Boyer.

En parlant d’un groupe d’Indiens, ils disent :

«Nous nous mêlons à la foule pour voir les indiens et offrons une pièce blanche à chacun des membres de l’errante famille, en leur adressant quelques questions en anglais. Ils nous répondent de vagues monosyllabes, et éclatent d’un rire idiot à la vue de l’argent que nous leur offrons. Pauvres gens!»

Et c’est ainsi que plusieurs tribus sauvages qui, dans l’espace de seulement quelques années, se sont assimilées aux meilleures races civilisées, sont représentées par des passants à l’imagination ardente comme des races déchues, et l’on retournera en France, et l’on y chantera sur tous les tons la décadence de ces pauvres Peaux-Rouges. Pauvres gens !

Voyons un peu cette décadence. Remarquez que je ne parle pas que des sauvages de l’autre côté des Montagnes Rocheuses, de ceux sur lesquels se sont apitoyés Numa Blès et Lucien Boyer. Ces sauvages sont aujourd’hui pour la plupart, sinon tous, cultivateurs. Ils possèdent en propre un certain nombre d’arpents de terre arable qu’ils mettent eux-mêmes en culture. Ils ont deux à quatre et cinq chevaux. Ils ont des vaches, des cochons à l’engrais, des poules, des canards, des oies, dindes, etc.

Ils ont chacun leur résidence bâtie par eux-mêmes, divisée en un certain nombre d’appartements, tout comme les maisons des blancs. Dans chaque village ou à peu près, il y a une église ou chapelle, au clocheton élégant, et à l’autel au style gothique, complètement bâtie par des mains de sauvages.

À côté de l’église, il y a une maison communément appelée «maison du catéchisme», qui correspond exactement à nos salles publiques, bâtie à leurs frais et de leurs mains. En sus, ces sauvages se livrent à la pêche au saumon, durant les mois de juin et juillet, pêche qui leur rapporte en moyenne de mille à deux milles dollars chaque année.

Il n’y a donc rien de surprennent si les sauvages, qui ont été insultés par Numa Blès et son compagnon par l’offrande d’une pièce blanche, ont répondu par des monosyllabes et éclaté d’un rire, non pas idiot comme le prétendent nos deux commis-voyageurs, mais bien plus intelligent que ne l’était l’offrande de leur pièce blanche. Pauvres gens ! […]

Et c’est ainsi que, sous la plume d’écrivains jetant à la volée leurs pensées sur un papier que beaucoup liront, mais dont la véracité ne peut guère être contrôlée que par un petit nombre, c’est ainsi qu’on fausse les notions ou connaissances du public sur telle ou telle place, sur tel ou tel peuple.

 

L’illustration provient de l’hebdomadaire montréalais Le Monde illustré, édition du 17 septembre 1887. On la retrouve sur le site de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Indiens d’Amérique, Attitudes envers les».

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