Skip to content

Le loup-garou venu de France, et bien chez nous (premier billet de deux)

le loup garou de kamouraskaIl fut longtemps coutume de dire au Québec que ceux qui ne faisaient pas leurs Pâques, c’est-à-dire qui ne se confessaient pas et ne communiaient pas dans le temps pascal, risquaient de courir le loup-garou.

Dans mon ouvrage Les Quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, je raconte que c’est alors «une personne condamnée par le diable à prendre la forme d’un animal effrayant, couvert de longs poils et aux yeux flamboyants comme des tisons». La seule manière de libérer un malheureux de son châtiment est de se signer dévotement en sa présence, puis de tenter de tracer sur le front de la bête un grand signe de croix et chercher à lui tirer une goutte de sang.

Voici dans La Patrie du 27 avril 1907 le loup-garou de la conteuse Geneviève Jambette.

Nous sommes au lendemain du carême. Misaël Longneau de Cap-Santé, et Catherine Miquelon doivent se marier dans quelques heures. On se rend fêter chez le père Miquelon, violoneux en tête. Même le garçon d’honneur les accompagne. Reprenons le fil à la fin de cette belle veillée.

Pendant que le rire s’épanouissait comme un rayonnement sur les figures animées, et que les refrains allègres se croisaient comme des fusées dans l’atmosphère chaude, le premier coup de minuit sonna. Le «marié» s’esquiva sournoisement. Il sortit.

Minuit, c’était l’heure marquée pour le départ. Les violons détendirent leurs cordes mélodieuses et ne chantèrent plus. Le garçon d’honneur s’avança alors dans la foule agitée par le plaisir et demanda :

— Le marié est-il ici ? Il faut qu’il me suive; il est encore mon prisonnier. Demain une jolie fille le délivrera.

Ce fut d’abord un éclat de rire. Puis, après un moment, l’un des convives dit qu’il l’avait vu sortir, au coup de minuit, par la porte de derrière. Il était nu-tête.

On attendit quelques instants, le garçon d’honneur entrouvrit la porte et jeta un coup d’œil dehors. Il ne vit personne.

Il sortit. Au bout d’un quart d’heure, il rentra. Il était seul.

— C’est singulier, remarqua-t-il.

— L’avez-vous appelé ?

— Oui, mais inutilement.

Catherine, sa fiancée, devenait inquiète.

— Il va rentrer, disait-on; il ne peut rien lui arriver de fâcheux.

— Qui sait, encore ? Un étourdissement, une chute…

Tous les hommes se mirent à chercher. Ils cherchèrent dans la grange, sur le foin, dans la «tasserie», à l’écurie et à l’étable, dans les «parcs» des chevaux et des bêtes à cornes, dans les crèches, partout.

Une heure sonna et Misaël n’était pas revenu. Des femmes se mirent à pleurer. Catherine était pâle à la lumière des bougies, et une horrible angoisse lui serrait le cœur Elle souffrait beaucoup.

 

Suite et fin demain de cette histoire de Geneviève Jambette, la conteuse.

L’illustration ci-haut, Le Loup-garou de Kamouraska, du peintre Rémi Clark, est extraite du livre de Fernand Grenier, De Ker-Is à Québec. Légendes de France et de Nouvelle-France, publié aux Éditions de La Galerie le Chien d’Or en 1990. L’ouvrage est illustré de nombreux tableaux de Rémi Clark sur des légendes françaises et québécoises.

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS