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Des tempêtes «au long cours»

tempete de neige rimouski 1971Au Québec, il y a de ces tempêtes hivernales qui «résonnent» dans les journaux pendant plusieurs jours. On y revient longtemps pour en «préciser les couleurs». Celle du 8 et 9 février 1895 en fut une belle. Tournons les pages de la presse de ce temps. Voyez pendant une pleine semaine les références à cette tempête dans quelques journaux.

La Patrie du 8 février 1895 décrit d’abord la situation à Montréal.

Nous avons eu ce matin une vraie tourmente de février. Le vent mugissait en tempête, balayait la neige dans l’espace et sur les chaussées et on voyait à peine quelques pas de soi.

C’est une rude journée pour la compagnie des tramways qui a lutté contre une terrible «poudrerie». Ce matin, à peine apercevait-on, à quelques rares intervalles, un wagon par ci par là luttant contre la neige. Le balayeur mécanique avait beau nettoyé la voie, le vent la remplissait immédiatement.

Le département de la voirie a mis, ce matin, sept cents hommes à la pelle et il lui en faudra encore probablement deux cents. On les a divisés en vingt-quatre escouades, chacune sous la direction d’un contremaître.

Ce matin, à l’hôtel de ville, on a constaté que le vent soufflait quarante milles à l’heure et que le mercure était trois degrés au-dessous de zéro.

La tempête était si forte que les charretiers ont refusé de transporter la neige au dépotoir du fleuve.

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Le 9 février 1895, Le Quotidien y va d’«échos de la tempête» dans la petite ville de Limoilou, au confluent du fleuve et de la rivière Saint-Charles.

À Hedleyville, l’eau est montée tellement que plusieurs personnes ont dû se réfugier dans le haut de leur maison et attendre le baissant. Plusieurs personnes se sont échappées grâce à la rapidité de leurs jambes. Les marchés de la basse ville ont été inondés. Il y avait 6 pouces d’eau.

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La région de Québec en général n’est pas épargnée. La Patrie l’écrit le 9 février 1895.

Une tempête presque aussi violente que celle du 27 décembre dernier a soufflé dans tout le district de Québec depuis avant hier soir. Hier toute la journée, les rues étaient désertes et le trafic suspendu. Les trains de l’Ouest n’ont pu partir à cause de la neige. On signale plusieurs accidents dans différents endroits, mais toutefois il n’y a pas eu de pertes de vie.

À quatre heures hier matin, les habitants de Québec ont été témoins de la plus forte marée qui soit connue depuis 39 ans. Les quais et une partie de la Basse-Ville étaient inondés et plusieurs des magasins situés sur la rue Dalhousie ont subi des dommages considérables; on évalue à $10,000 les dégâts éprouvés par MM. P. Garneau et fils.

Le village de Hedleyville, au nord de la rivière St-Charles, est complètement inondé. L’eau était monté si haut dans plusieurs maisons que les fournaises ont été éteintes et que les familles furent obligées de se retirer dans les étages supérieurs jusqu’à sept heures du soir, lorsque l’eau s’est retirée. Toutes les communications entre le village et cette ville étaient interrompues et les personnes de cet endroit qui travaillaient à Québec furent obligées d’attendre la marée basse pour retourner chez elle.

Le pont de glace entre Québec et l’île d’Orléans a été en partie emporté et les communications entre ces deux places seront probablement suspendues pendant plusieurs jours.

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Le 11 février, Le Quotidien de Lévis revient sur quelques lendemains de la tempête.

Au delà de 112 hommes travaillent depuis samedi [le 9] à nettoyer la voie ferrée à Harlaka. On travaille jour et nuit. À la gare de Lévis, 25 hommes travaillent aussi continuellement. Deux engins, le 125 et le 12, sont partis ce matin pour aider la circulation.

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Et puis des histoires tristes vécues à Québec, toujours en lien avec cette tempête, dans La Patrie du 12 février 1895.

Durant la semaine dernière, M. Joseph Bussière, un laitier résidant à la Petite Rivière [ancien nom de la ville de Duberger, aujourd’hui un quartier fusionné à la ville de Québec], a été trouvé gelé, vendredi après-midi, sur le chemin de Lorette. Sa voiture était renversée et le cheval gisait par-dessus l’infortuné laitier. Cheval et voiture étaient presqu’entièrement ensevelis sous la neige. Bussière respirait encore. Il a été transporté à sa résidence, mais, malgré tous les soins du médecin, on ne croit pas qu’il en réchappe. Bussière est un vieillard de 70 ans. C’est le père de M. Bussière, épicier du faubourg St-Jean.

Pendant la tempête de samedi, un corbillard qui portait un cadavre au cimetière St-Charles, a été arrêté par la neige. On a eu toutes les misères du monde à le dégager.

Un cheval a péri dans la neige de l’autre côté du pont de St-Roch, pendant la tempête. Près de St-Romuald, la neige s’est tellement accumulée le long de la falaise qu’elle constitue un danger sérieux pour les passants. Le kiosque des cochers, près du [Château] Frontenac, a été fort endommagé par le vent. 18 vitres ont été cassées.

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Et cet homme qui s’est perdu dans la neige à Sainte-Julie de Somerset [aujourd’hui un hameau voisin de Laurierville].

Égaré durant la grande tempête de vendredi dernier. M. Achille Émond, de Ste-Julie, dans les Cantons de l’Est, s’est égaré pendant la tempête, vendredi dernier, de sa grange à sa maison. Il survint une telle bourrasque de vent et la poudrerie était tellement violente qu’il ne pouvait voir la maison.

Et au lieu de suivre la direction qui le conduisait chez lui, il prit la direction contraire et se rendit chez M. Gilles Mercier, distance de vingt arpents [environ un kilomètre]. Il s’est gelé les deux mains durant le trajet et souffre beaucoup depuis.

La Patrie, 15 février 1895.

 

La photographie prise par Jules Rochon en 1971 à Rimouski est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Ministère des Communications, Documents photographiques, Reportages photographiques du Ministère, cote : E19, S44, SS1, D71-414.

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