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«Si un cheval parlait»

cheval me regardantIl vous dirait :

Ne m’ordonnez pas de reculer, les yeux recouverts des œillères : j’ai peur.

Ne me faites pas mener par quelque imbécile ayant moins de jugement que moi.

Ne me faites pas courir en descendant une côte, car si quelque chose se brise, je pourrais vous casser le cou et me blesser moi aussi.

Ne me fouettez pas lorsque je suis effrayé, car la prochaine fois que j’aurai peur je m’en rappellerai et vous causerai des misères.

Ne me faites pas trotter en montant une côte : souvenez-vous que je dois me porter, traîner la voiture et vous avec. Essayez vous-même de monter une côte à la course avec une charge.

Ne me menez pas rênes haut : ainsi le soleil me brûle les yeux et je ne puis voir où je mets les jambes. De plus, c’est inhumain et cruel.

Apprenez-moi à stopper lorsque vous dites «ouau»; pourquoi me causer tant de douleurs inutiles en tirant les guides à m’arracher la tête et m’écorcher la bouche.

Ne me laissez pas trop longtemps aux portes, je m’ennuie, j’ai faim, soif et froid moi aussi.

Donnez-moi une pomme ou un bonbon de temps en temps et je vous servirai mieux.

Pour l’amour de Dieu, ne me coupez pas la queue; comment pourrai-je chasser les mouches qui me dévorent pendant l’été ? Et quand je serai vieux, ce sera un vrai supplice sans aucune satisfaction pour vous.

Pour nous garantir contre le froid, nous n’avons pas de vêtement comme vous; jetez nous donc une couverte sur le dos.

Ne nous parlez pas durement; nous savons plus que vous ne croyez apprécier une bonne parole et un flattement de main sur le cou et la tête.

Si vous ne voulez pas que nous ayons des rhumatismes, mettez-nous une épaisse litière de paille ou de bran de scie pour tenir nos pieds chauds dans l’étable.

Quand nous faisons nos plus grands efforts pour traîner une lourde charge souvent dans une côte ou un mauvais chemin, faites-nous reposer quelques secondes de temps en temps. Nous saurons vous remercier par une nouvelle ardeur.

Du : Progrès des Cantons de l’Est.

 

Le Bien public, 10 février 1911.

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