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Le jour de l’An, c’était pour les enfants !

traineaudejouetsJ’espère que vous vous souvenez de Jules Griffard. Ne me dites pas. Nous étions allés aux loups avec lui. Nous l’avions accompagné à Val-de-Bois pour entendre chanter les loups.

Le voici ailleurs, quelques jours avant le jour de l’An, dans les rues de Montréal, à la recherche de petits cadeaux pour enfant. Car ce premier jour de l’année est le grand jour d’étrennes pour les enfants québécois de langue française. Et n’en faites pas de cas, il parle aussi aux jouets.

Salut à vous, pantins et polichinelles de toute couleur et de toute taille. Vous avez cela de commun avec vos homonymes et congénères de la société humaine, que, par le nombre les premiers sur la scène, vous attirez les regards.

Il y en a des bleus, des blancs et des rouges, tout comme parmi les grands.

Voici l’Arche de Noé — une boîte d’allumettes sur un sabot : et dedans, pêle-mêle, des girafes, des bœufs, des chevaux, etc., tout cela fait au couteau, grossièrement, sur un modèle uniforme, que ça ressemble à des petits bancs à quatre pieds qu’à toute autre chose.

Ici des poupées, des catins autrement dit, petits sacs de son, affublés au sommet d’une tête en papier mâché, rose comme les joues fardées d’une fille de rue. Il y a des catins mères, hautes d’un pied [30 cm] qui tiennent dans leurs bras des catins bébés longs de trois pouces.

Au fait, pourquoi donne-t-on toujours aux poupées des têtes de femme, et jamais des têtes d’homme ?

Cela n’est ni un polichinelle ni une catin, c’est un bonhomme. Ainsi, du moins, m’informe un petit gamin auprès duquel je me suis renseigné. Il a l’air tout chose le bonhomme, raide comme un tambour major.

Entre une trompette tapageuse et un sabre de fer blanc, une boîte d’outils de menuisier. Elle comprend une scie, un rabot, une lime, un ciseau, un maillet, un compas et une équerre. Le tout tiendrait dans une poche d’habit.

À côté, un maçon qui, la truelle d’une main et le marteau de l’autre, s’agite comme un possédé quand on tourne la manivelle qui, au moyen de fils de fer cachés, met tous ses membres en branle.

L’énumération complète serait trop longue; je cite au hasard : des balles en caoutchouc, des cerceaux, des cricris, des cornemuses, des sifflets, des voitures, des traîneaux, des locomotives, des bateaux à vapeur, etc., etc. etc.

* * *

Il n’est rien pour distraire des misères de la vie comme les souvenirs agréables du jeune âge. […] Qui de nous, à l’approche du Nouvel An, ne se rappelle les émotions ressenties autrefois en ce jour béni du jeune âge. Il fallait, la veille au soir, nous mettre au lit presque de force, tant nos sens surexcités par l’attrait des bonbons et des étrennes du lendemain répugnaient au sommeil. Et une fois endormis, quels rêves !

Suivant sa condition de fortune, chacun voyait descendre du ciel, invariablement par la cheminée, traîneaux luxueux, cheval de bois, shako de hussard, sabre de fer blanc, petits canons, petites voitures, chiens de faïence, pantins, fusils, tambours, etc.

Et au matin quel réveil, quels cris de joie à la vue des bas remplis de bons hommes en sucre, de balles en caoutchouc, de pantins grimaçants. C’était plus que de la joie, mais du délire. Et les mères heureuses de tant de joie chez ces petits êtres tant aimés déjà, se surprenaient à les aimer davantage et les embrassaient tendrement. […]

Le jour de l’An, les enfants du pauvre comme ceux du riche n’ont faim que d’étrennes.

 

Le Monde illustré, 3 janvier 1891.

Contribution à une histoire de l’enfant québécois.

Dans votre espace de vie en ce moment, où que Vous soyez, que cette nouvelle année soit fort belle, absolument agréable !

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