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«Amitié entre animaux»

La Pie bavarde

La Pie bavarde

Nous sommes un certain nombre fréquentant ce site à aimer ces textes sur les échanges entre les animaux, et parfois avec nous les bêtes humaines. En voici un nouveau qui paraît dans La Patrie du 27 novembre 1884.

Bien des faits ont été racontés sur la sympathie qui s’établit entre animaux de races différentes.

On le sait, beaucoup de chevaux deviennent tristes et perdent l’appétit lorsqu’on les sépare de leurs compagnons d’écurie et qu’ils se voient isolés, En pareil cas, si, dans leur nouveau gite, ils trouvent une vache, un âne, une chèvre même, on voit souvent poindre pour ce nouveau camarade, une prédilection très vive et d’autant plus remarquée qu’en dépit des affinités de race, ce cheval était loin de se montrer aussi démonstratif avec ses voisins d’autrefois.

Un naturaliste français raconte qu’il a vu un exemple d’intimité poussée jusqu’à la tendresse entre un cheval et un baudet qui partageaient la même écurie. Lorsque l’un d’eux sortait seul, celui qui était condamné à garder le logis se livrait à toutes sortes de manifestations, d’inquiétudes ou de chagrins; il ne mangeait pas, ne cessait pas de hennir ou de braire, et ses yeux restaient invariablement fixés sur la porte.

Le retour de l’absent était salué par les démonstrations les plus joyeuses; le baudet surtout sonnait une fanfare dont les éclats distançaient ceux des trompettes de Jéricho. On se souhaitait la bienvenue par quelques pourlèchements avant d’aller au râtelier ou à l’auge. Puis le cheval prenait sa position favorite; elle consistait à laisser reposer sa ganache sur l’encolure de son ami et à conserver quelque temps cette posture; alors les oreilles de l’âne mollement abandonnées et inclinées vers le sol, ses yeux demi clos, sa bouche baveuse indiquaient que lui-même, il en appréciait tout le charme.

Nous venons d’observer, dit de son côté M. de Cherville, au château d’Escorpain [à quelques kilomètres à l’ouest de Dreux, en France], chez M. Firmin Didot, une liaison encore plus originale, parce que ses participants sont d’un ordre absolument différent, celle d’une pie avec une quinzaine de chiens renfermés dans le même chenil. Dame Margot a fait élection de domicile sur le toit de l’édifice, mais c’est peut-être afin de se ménager ses droits politiques, car elle n’y séjourne jamais plus de deux ou trois minutes et redescend bien vite de ces hauteurs pour se mêler à la société du rez-de-chaussée.

Là, elle joue un peu le rôle d’une grande coquette dans un salon, allant tantôt en sautillant, tantôt en voletant de l’un à l’autre de ces messieurs, leur prodiguant les œillades assassines de ses grandes prunelles noires si terriblement émérillonnées, assaisonnant ses invités de quelques petits coups de bec, ne dédaignant pas de goûter à toutes les écuelles, cherchant, fouillant, furetant partout, et enfin ici s’arrête la similitude que nous avons établie — s’installant sans façon sur celui de ces personnages qui, étendu au soleil, fait paresseusement la sieste pour lui rendre les petits services d’épluchage que les moutons reçoivent des sansonnets quand ils pâturent. […]

Nous avons vu un grand setter gordon dont les poils soyeux fournissaient, il est vrai, une rude besogne à l’éplucheuse, essayer de promener sa langue sur elle pendant qu’elle était perchée sur son flanc. Sans interrompre sa besogne, Margot se soustrayait de son mieux à cet éclatant témoignage de reconnaissance. Peut-être trouvait-elle qu’il faisait double emploi, car, bien entendu, elle se paye elle-même, et tout de suite, de la peine qu’elle se donne. S’il en est ainsi, cette excessive délicatesse tendrait du moins à prouver que les pies valent mieux que la réputation qui leur a été faite.

 

Ce texte est sans doute d’origine européenne, car la Pie Bavarde, un oiseau de l’Ouest du continent nord-américain, n’est à peu près jamais présente au Québec. Il peut arriver aux ornithologues québécois d’apercevoir la Pie-grièche, grise ou migratrice.

La photographie de la Pie bavarde est extraite de la page Wikipédia consacrée à cet oiseau. Elle est de Hans-Jörg Hellwig.

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