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Jonas raconte son aventure dans la baleine

jonas dans la baleine

 

Grâce à La Tribune du 2 octobre 1891, voilà qu’enfin nous avons le témoignage d’un Jonas qui a séjourné dans la baleine.

Le séjour involontaire de Jonas dans le ventre de la baleine a longtemps exercé la verve des esprits forts, qui riaient sans pitié des sots capables d’avaler de telles sornettes.

Eh bien ! cette fois les rieurs ne seront pas du côté des mécréants; en l’an de grâce 1891, l’aventure de Jonas est arrivée à un citoyen anglais, James Bartley, qui est en ce moment dans un hôpital de Londres, où il se remet tant bien que mal de ses émotions.

Voici d’après les journaux anglais comment cet accident est survenu :

Au mois de février dernier, le baleinier Star of the East, se trouvant dans les parages des îles Falkland, envoya des pêcheurs sur deux baleinières pour attraper une superbe baleine qu’ils avaient distinguée à l’horizon. L’énorme cétacé fut bientôt rejoint et blessé à mort; pendant qu’il se tordait dans les dernières convulsions, une des baleinières fut atteinte d’un coup de queue et renversée.

Les pêcheurs tombèrent à l’eau, mais tous, à l’exception de deux purent être recueillis sur les autres bateaux de pêche. On se mit à la recherche des deux marins disparus; le corps de l’un ne tarda pas à être retrouvé, mais il fut impossible de découvrir celui de James Bartley.

Quand la baleine cessa de se débattre et que les pêcheurs eurent la certitude que le monstre était bien mort, ils la hissèrent sur le baleinier et se mirent en devoir de la dépecer; une journée et une nuit passèrent à cette occupation. Le lendemain, les pêcheurs se remirent au travail; lorsqu’ils fendirent l’estomac de la baleine, quelle ne fut pas leur surprise en trouvant leur camarade disparu, James Bartley, encore vivant, bien qu’évanoui, dans le ventre du mammifère !

Les matelots eurent beaucoup de peine à rappeler à lui ce nouveau Jonas; pendant plusieurs jours, il fut en proie à des accès de folie furieuse, et il fut impossible d’en tirer un mot. Ce ne fut qu’au bout de trois semaines de soins que James Bartley recouvra la raison et put enfin raconter son aventure miraculeuse.

«Je me souviens très bien, dit James Bartley, du moment où la baleine m’a lancé en l’air; puis j’ai été englouti et je me suis trouvé enfermé dans un étui uni et glissant, dont les contractions m’obligeaient à aller toujours plus au fond.

«Cette sensation n’a duré qu’un instant, puis je me suis trouvé dans un sac très large et, en tâtant autour de moi, j’ai compris que j’avais été avalé par la baleine et que je me trouvais dans son estomac. Je pouvais encore respirer, quoique avec beaucoup de difficultés; seulement j’éprouvais une impression de chaleur insupportable et il me sembla que j’allais être bouilli vivant.

«L’horrible pensée que j’étais condamné à périr dans le ventre de la baleine me torturait, et cette angoisse était encore accrue par le calme et le silence qui régnait autour de moi. Enfin, je perdis conscience de mon affreuse situation.»

James Bartley est connu pour un des pêcheurs de baleines les plus hardis, mais les émotions qu’il a ressenties dans l’estomac du cétacé ont été si violentes, qu’il a non seulement perdu momentanément la raison, mais qu’il est resté en proie à des hallucinations effrayantes. Il se croit toujours poursuivi par une baleine qui l’avale une seconde fois.

La peau du nouveau Jonas, sous l’action du suc gastrique de la baleine, est devenue semblable à du parchemin. Cependant son état de santé général n’a pas été sérieusement altéré par ce séjour forcé renouvelé des temps bibliques.

Le capitaine du baleinier raconte que les cas où des baleines en furie avalent des hommes ne sont pas rares, mais c’est la première fois qu’on voit la victime sortir vivante de cette redoutable épreuve.

Voilà une aventure de baleine que bien des gens prendront pour un canard. Qui sait si le miracle du pêcheur anglais ne trouvera pas autant d’incrédulité que celui de Jonas lui-même ?

 

L’illustration provient du huitième album de ce qu’on appelait «Les Cahiers de la Bonne chanson» de l’abbé Charles-Émile Gadbois. Celui-ci fut publié à Saint-Hyacinthe en 1950.

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