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Les coulisses d’un cirque (premier de deux articles)

elephant defilant a montrealL’été est la saison des grandes manifestations, des grands spectacles sportifs en plein air. Ainsi, c’est en été que sont joués les plus beaux «matchs» de baseball, de la crosse. C’est en été qu’ont lieu les plus belles courses, les grands meetings sur les grandes pistes du monde.

Ajoutons que c’est aussi en été que les cirques parcourent les contrées, et particulièrement, notre province. Cette année, contrairement aux années dernières, notre ville n’a pas reçu encore la visite d’aucun cirque; mais d’autres villes comme Québec, entre autres, ont eu dans leurs murs toute cette population diverse qui compose les cirques; et cette population est toujours si nombreuse qu’elle peut à elle seule constituer une ville.

L’envers du décor et les dessous de la scène ont, de tout temps, excité au plus haut point la curiosité du public; or nulle part le spectacle des coulisses n’est plus fertile en surprises que dans les cirques. Que se passe-t-il derrière les tentures qui nous cachent chaque artiste aussitôt qu’il a terminé son exercice ? Comment sont disposées ces cases et ces cages qui abritent toute une ménagerie et où pénètrent que des privilégiés ? Quelle vie s’y éveille, quelle activité s’y révèle aux heures où le public est soigneusement tenu à l’écart ? Tels sont les sujets qui feront la substance de cet article.

Le roi du cirque

Le roi du cirque est encore le cheval; le dressage du cheval ne se fait pas en un jour. Disons comment on s’y prend. Pour arriver à habituer cette noble bête à saluer le public, le faire avancer au son de l’orchestre et enfin s’agenouiller, l’écuyère qui l’a dressée lui a d’abord passé un nœud coulant autour des genoux; puis, serrant brusquement, l’animal tombe.

L’éducation d’un écuyer

Lorsqu’il est bien accoutumé à sa tâche, il faut faire l’éducation de l’écuyer ou de l’écuyère qui, debout sur l’animal, exécutera des exercices variés. Pour commencer, l’écuyère sera attachée à la ceinture par une corde qui va au plafond du cirque; d’une main, le dresseur tient sa chambrière, de l’autre, l’extrémité de cette corde. Si le cheval ou l’écuyère fait un faux mouvement, rapidement il enroule la corde autour de son poignet, et la femme au lieu de tomber reste suspendue en l’air.

Tant que cette corde secourable est là, il n’y a rien à craindre; c’est la sécurité absolue. Mais, le jour où pour la première fois le dresseur la supprime, quelle émotion ! La moindre erreur peut être la cause de mort.

Songez que l’on a vu une écuyère anglaise se faire attacher par le pied au cou d’un cheval, et, traînée par lui, franchir à sa suite, la tête renversée, obstacles et barrières. À chaque soubresaut, un léger mouvement des reins lui faisait éviter un choc qui l’eût tuée…

Pour ces exercices périlleux, on ne prend naturellement que des vieux chevaux qu’on appelle dans le langage des cirques des chevaux de panneaux».

Bouffons

Après le cheval et son écuyer, c’est le «bouffon», le clown qui intéressera le plus les spectateurs, qu’il fait rire par ses gambades et pleurer par sa mort.

Les «bouffons» en général sont des gentlemen fort corrects, qu’on rencontre en dehors de la tente, tirés à quatre épingles; n’en a-t-on pas vu même exécuter leurs pirouettes en habit noir et cravate blanche. Le métier est bon s’il est difficile, et il nourrit son homme. Certains bouffons ont jusqu’à $2,000 par mois.

Les acrobates

Les acrobates comptent aussi parmi les plus intéressants numéros d’une représentation d’un cirque. On ne s’imagine pas ce qu’il faut souffrir pour arriver à marcher sur une corde ou sur un fil de fer. On arrive à marcher là-dessus comme sur la terre ferme, à s’y maintenir sans balenier, à y jongler et y vaquer à toutes les occupations de la vie quotidienne. Blondin, le célèbre danseur de corde qui a fait courir tout Montréal, apportait avec lui un fourneau, du feu, des œufs, une poêle à frire et une chaise. Après s’être installé, il confectionnait une omelette qu’il mangeait. Il traversa ainsi le Niagara.

Il y a aussi parmi les acrobates, les «désossés», les «femmes-caoutchouc» et les «hommes-serpents». Pour ceux-là, il faut s’y prendre dès huit ou neuf ans, quand les ligatures des membres, quand les os sont encore souples et mal formés. Par un travail de tous les jours, on empêche cette formation, ou plutôt ce durcissement, et on les rend complètement élastiques; le sujet en arrive un beau jour à se gratter la tête avec son pied et, se retournent complètement le torse en arrière, à vous regarder entre ses jambes.

 

Source : La Patrie (Montréal), 18 juillet 1908.

La suite de cet article : demain.

L’illustration des éléphants circulant à Montréal sur la rue Saint-Antoine, près de l’hôtel de ville, provient du site Canadianbeerandpostmodernism.

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