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Vivre sur le toit, l’été

On ne l’imaginerait guère, mais certains aiment bien vivre sur les toits, l’été. Du moins, à New-York. L’Album universel du 28 juillet 1906 raconte.

On sait que New-York, situé aux confins de la zone tempérée, possède un climat variable; le thermomètre y accomplit de véritables sauts acrobatiques : 90 degrés à l’ombre en été, 20 degrés en hiver, ce sont là de ces différences qui se voient presque chaque année dans l’île de Manhattan.

Le froid se combat aisément : la houille se vend si bon marché aux États-Unis ! Il n’en est pas de même de la chaleur, et le bas prix de la glace ne sert guère d’adoucissement.

Cependant, les New-Yorkais ont un excellent moyen de lutter avec succès contre la chaleur, du moins pendant les soirées et les nuits : c’est de coucher sur les toits !

Disons de suite que presque toutes les maisons de New-York, quel que soit le nombre des étages, ont un toit en forme de terrasse, comme dans les pays d’Orient. Ce toit sert à de nombreux usages.

Tantôt, il tient lieu de cour de récréation aux enfants d’une école, et c’est un spectacle peu banal que d’apercevoir de la rue, à une hauteur de dix ou douze étages, des gamins jouer à cache-cache entre les cheminées ou grimper aux grilles qui font office de garde-fous; tantôt, c’est un café ou un restaurant, ou même un music-hall (roof-garden) qu’on y établit pour la durée de la saison chaude.

Dans les quartiers populeux, les toits appartiennent à tous les locataires, qui viennent y tendre leur lessive. La nuit, quand l’air des appartements devient irrespirable, les familles campent sous les cordes à linge, et il n’est pas rare, malheureusement, qu’un dormeur aille s’écraser sur le trottoir de la rue.

Sincèrement soucieux d’améliorer le sort des classes ouvrières, la municipalité de la grande ville a même établi sur les toits de plusieurs immeubles des «recreation roof gardens», où les pauvres gens du quartier viennent respirer un air plus pur que celui de leur taudis. À raison de 5 cents le verre, des employés y débitent du lait «municipal» aux promeneurs. C’est la seule boisson qu’il soit permis de consommer.

Dans les quartiers bourgeois, c’est généralement le gérant ou le propriétaire de l’immeuble qui s’adjuge l’étage supérieur.

Il se réserve en même temps l’usage du toit, qu’il transforme en jardin, en serre, voire en cottage.

Dans les quartiers riches, les maisons — des palais — sont construites à l’européenne.

Cependant, ça et là, on peut admirer de magnifiques jardins suspendus, tel celui qui occupe le toit du Waldorf-Astoria, qui est, je crois, le plus haut du globe, avec ses dix-huit à vingt étages. C’est, en tous cas, le plus cher du Nouveau-Monde.

Il y a de tout sur les toits new-yorkais.

Un sculpteur fort connu, M. Partridge, a installé sur sa maison, à Madison Square, un atelier où il exécute des statues destinées à prendre place en plein air. Dans le même quartier (situé en plein centre de la grande ville), un sportsman, M. Earl, a installé, à une hauteur de 270 pieds au-dessus des pavés, un chenil où il élève des chiens de race. Il y possède, entre autres, cinquante-huit bouledogues, tous primés aux dernières expositions.

Enfin, on trouve dans la Huitième Avenue, sur le toit d’un spacieux immeuble, une… église protestante, construite en charpentes de fer et tôles galvanisées. Ne confondons pas : il ne s’agit pas d’une chapelle, mais d’une église, avec cloches et carillon, grandes et petits orgues. Les fidèles s’y rendent en foule, et les curieux aussi.

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