L’Angleterre craint une invasion française

En 1888, l’ingénieur français Gustave Eiffel (1832-1923), après de multiples réalisations (ponts, viaducs, construction de la tour Eiffel qui sera terminée en 1889), projette la création d’un port en eau profonde sur la Manche. Panique en Angleterre. Sous le titre «Le nouveau cauchemar des Anglais», La Tribune (Saint-Hyacinthe) du 6 juillet 1888 raconte.

C’est l’ingénieur français Eiffel qui empêche maintenant les Anglais de dormir. Non content d’élever une tour dont les proportions éclipsent celles de Babel et de fabriquer, pour le canal de Panama, des écluses colossales qui seront les témoins éternels de son génie, le savant ingénieur a proposé au gouvernement français d’augmenter les facilités maritimes du littoral de la Manche en créant un port profond pouvant recevoir à marée basse les navires du plus fort tonnage.

Boulogne et Calais ne sont accessibles, même aux heures de la marée haute, qu’aux petits vapeurs qui font le service de Folkestone et Douvres. Les dépenses énormes qu’entraînerait la construction d’un pareil port soulèveront sans doute une très vive opposition.

Les officiers de l’armée penseront que le gouvernement est fou de songer à un semblable projet lorsque cet argent pourrait être beaucoup mieux employé à augmenter les forces militaires du pays. Les marins diront que s’il est utile d’avoir de meilleurs ports, il serait cependant préférable d’améliorer les stations navales.

Mais l’Angleterre ne voit pas ce projet avec indifférence. La véhémence avec laquelle elle s’est opposée aux projets de pont ou de tunnel sur ou sous la Manche prouve qu’elle est hantée par la terreur d’une invasion française et ses officiers savent qu’un pont ou un tunnel serait moins utile aux projets de conquête des Français que le port que propose de construire M. Eiffel.

Un pont pourrait être détruit en une heure par des cuirassés et un tunnel complètement barré par l’explosion de quelques livres de dynamite, mais un port où l’on pourrait embarquer 150,000 hommes en quelques heures serait une menace perpétuelle pour l’Angleterre.

Dans ses accès chroniques de méfiance à l’égard de la France, l’Angleterre serait obligée d’augmenter considérablement sa marine, et sa récente panique, causée par l’insuffisance de son armée, renaîtrait dix fois plus forte.

Le portrait de Gustave Eiffel en 1893 apparaît sur la page Wikipédia qu’on lui consacre.