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Parcs urbains : aujourd’hui et hier

Le 21 juin dernier, dans le quotidien Le Soleil, voilà un article de la journaliste Stéphanie Martin, «Réglementation resserrée sur les Plaines d’Abraham». La région de Québec dispose d’un parc urbain magnifique. Mais la mèche est bien courte pour sa protectrice, la Commission des champs de bataille nationaux.

«Fini les planches à roulettes, la baignade, les chiens sans laisse ou les vélos dans les sentiers pédestres des Plaines, écrit Madame Martin. Les contrevenants s’exposeront à compter du 2 juillet à des amendes pouvant aller de 75$ à 200$. […] Même se livrer à un sport ou un jeu organisé ailleurs qu’à un endroit désigné à cette fin peut valoir une contravention de 100$ Une vingtaine de gestes sont passibles d’amende.»

* * *

Retournons maintenant 129 ans en arrière. Léon Ledieu est chroniqueur à l’hebdomadaire montréalais Le Monde illustré. Le 13 juin 1885, il nous fait part de ses impressions après être allé marcher dans le parc urbain du Mont-Royal.

J’ai attendu jusqu’à dimanche dernier pour aller rendre visite aux grands chênes, aux sapins et aux magnifiques érables de la montagne. Ce retard était calculé, je voulais voir le bois dans toute sa splendeur.

J’ai bien fait, c’était admirable, et ce qui m’a le plus étonné c’était de rencontrer aussi peu d’admirateurs.

Des étrangers, quelques couples s’en allant sous la feuillée, et ça et là un rêveur, voilà tout ce qui courait dimanche dans la montagne.

Les rêveurs songeaient, les couples parlaient bas.

Les étrangers disaient, avec un ensemble remarquable, que si l’on possédait à Paris, Londres, New-York ou Berlin un parc semblable, toute la population de la ville s’y rendrait les dimanches et les jours de fêtes.

Pourquoi donc cette solitude chez nous ?

Pourquoi ? C’est parce qu’on s’ennuie dans tous nos parcs et promenades.

Nos promenades et nos parcs sont anglais et on s’y amuse à l’anglaise; les promeneurs ont l’air de croquemorts, et les voitures de luxe prennent des allures de corbillards.

En France, en Italie et en Espagne, chaque bois, bosquet ou jardin public est un lieu de véritable amusement. On y rit, on y chante, on danse, on y boit même.

On rit de bon cœur et franchement; on chante de joyeux refrains, des romances et des chœurs; on danse souvent sous l’œil même du curé, qui sait bien que, devant lui, les choses se passeront d’une manière convenable, tandis que s’il n’y était pas… dame ! je ne sais pas. Enfin, il y a partout des établissements où l’on prend du vin ou de la bière sous les arbres, devant tout le monde, sans chercher à se cacher, comme chez nous. […]

C’est pour cela que, si d’aventure vous mourez de soif en visitant le parc de la montagne, vous êtes forcé d’avaler un boisson dite de tempérance et qui n’est en réalité qu’un purgatif ou un vomitif.

Pour empêcher les gens de se griser, on les empoisonne.

Promenez-vous, allez de tous côtés, vous n’entendrez ni chants, ni musique, ni frais éclats de rire.

Fermez les yeux et qu’on vous conduise au cimetière ou dans le parc, jamais vous ne pourrez distinguer à l’oreille si vous êtes chez les vivants ou chez les morts.

J’irai même plus loin : je parierai avec n’importe qui qu’on fait plus de picques-niques au cimetière que dans le parc.

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