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Pourquoi meurt-on davantage à Trois-Rivières qu’ailleurs en 1891 ?

Grave question. Qui donc pourra répondre ? On s’alarme devant les statistiques mortuaires, mais on n’arrive guère à expliquer le fait. Le président du Conseil d’hygiène de la province de Québec, Emmanuel-Persillier Lachapelle (1845-1918), veut en avoir le cœur net et se rend sur place. Le 17 juin 1891, le journal local, Le Trifluvien, raconte.

Ces statistiques, si elles sont faites avec soin, révèlent un état de choses terrible, surtout pour ce qui regarde les Trois-Rivières.

Notre ville jouit d’un climat salubre et sain. Sa position lui assure une salubrité rare. Sa position restreinte et peu dense lui donne tous les avantages d’une localité isolée. Un système d’égout qui commence à être complet et doit augmenter ses avantages sanitaires. L’eau que nous buvons est remarquablement pure et fraîche. Il n’y a pas d’épidémie chez les personnes, ni chez les animaux dont on apporte la viande sur les marchés.

En un mot, nous avons tout ce qu’il nous faut pour assurer la salubrité de notre ville.

Et pourtant la mortalité aux Trois-Rivières, d’après les dernières statistiques, a été de 3,05 par mille, c’est-à-dire un tiers de plus que la moyenne de mortalité dans Ontario.

L’on se demande quelle peut être la cause de cette mortalité anormale. C’est une question que s’est posée le Conseil provincial d’hygiène, sans pouvoir trouver une réponse.

M. le Dr Lachapelle, président de ce Conseil, est venu aux Trois-Rivières samedi et, dans les quelques heures qu’il a passées ici, il a visité divers endroits publics. Disons à notre honte qu’il a été épouvanté par le nombre de foyers d’infection qu’il a trouvés ici.

Car voilà l’explication de ce mystère. Dans un grand nombre d’endroits, les règles les plus élémentaires de l’hygiène sont méconnues d’une manière outrageante.

Citons quelques cas.

Quand un cheval meurt, savez-vous ce qu’on fait ? On va le porter sur le coteau, en arrière du terrain des courses, et on le laisse là à pourrir en plein air; de sorte que le vent nous apporte la semence de nombreuses maladies.

Avez-vous déjà visité le dépôt de police ? Avez-vous remarqué cette odeur pénétrante et infecte qui vous saisit à la gorge en entrant là ? C’est l’odeur du cheval et du fumier, odeur qu’émanent les écuries qui se trouvent dans la bâtisse même.

Allez à la gare du Pacifique et vous verrez que toutes les eaux sales de la cuisine s’en vont dans la cave de la bâtisse où elles croupissent.

Et les cours de plusieurs bouchers où les débris des bestiaux abattus séjournent des jours entiers et infectent le voisinage !

Et ces nombreuses cours privées où pourrissent des détritus de toutes sortes.

Mais qu’est-il besoin d’exemples ? Il est certains endroits, certaines rues de la ville où une peste terrible vous étouffe. Ces endroits sont peu nombreux, mais ils existent.

C’est ce qu’ont constaté nos médecins; mais ils n’ont aucune autorité pour réagit. Et le comité de santé ne s’occupe jamais de ces questions.

C’est ce qu’a pu constater aussi M. le Dr Lachapelle. Et comme résultat de cette expérience, il a décidé d’envoyer son assistant passer trois jours aux Trois-Rivières, pour visiter en détail et prendre les mesures nécessaires à l’assainissement de notre ville. Ces mesures seront rigoureuses, si besoin est.

Il y aura des froissements, des murmures sans doute. Mais le bien général est en jeu et la situation est grave. La santé publique est chose trop sérieuse pour qu’on la néglige. La mortalité en notre ville devrait diminuer de moitié. On voit que c’est important, puisqu’il s’agit de sauver la vie de 150 personnes environ tous les ans, et surtout des enfants.

Rien ne nous surprendrait si le Conseil d’hygiène prenait moyens d’arriver aux résultats suivants :

1) Établissement d’un bureau de santé sérieux;

2) Obligation d’avoir toutes les maisons reliées avec le système de canaux d’égouts;

3) Défense de se servir de fosses d’aisance ouvertes et qui ne sont que des trous dans la terre;

4) Défense aux bouchers d’abattre les animaux dans les limites de la cité;

5) Observation rigoureuse des règlements municipaux concernant l’entretien des cours, défendant les souilles découvertes, etc., etc.

Dans notre opinion, tous les citoyens intéressés au bien-être de la ville devraient prendre sur eux de faire connaître au bureau de santé du conseil municipal et au Conseil d’hygiène de la province tous les cas de malpropreté ou d’insalubrité qui sont de nature à nuire à la santé publique.

Nous aurons encore l’occasion de parler de cette question.

Nous recevrons aussi, avec plaisir, toutes les communications qu’on voudra bien nous faire à ce sujet.

 

Contribution au grand ouvrage sur l’apprentissage de la vie en ville, auquel il faudra bien s’attaquer bientôt. C’est là un des domaines de la nouvelle histoire.

L’illustration de Trois-Rivières en 1881, dit-on, est tirée de l’Album universel du 26 août 1905. On la trouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Trois-Rivières (Québec)».

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