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Il y a près de 200 ans, à Montréal

Dans Le Sorelois du 3 avril 1883, à la une, voici «Montréal en 1816. Extraits des réminiscences de M. J. H. Dorwin.».

Ce qui a fait passer à l’histoire le marchand et manufacturier Jedediah Hubbell Dorwin (né à New Haven, Vermont, en 1792 et décédé à Montréal en 1883), c’est qu’il a tenu son journal de 1811 jusqu’à la veille de son décès en 1883. Soixante-douze ans ! Fidélité ! dites-vous. Absolument, et le bonheur des historiens.

En 1815, il s’intéresse au commerce de l’alimentation entre le Vermont et le Bas-Canada, faisant plusieurs voyages à Montréal, rapportant du porc, du fromage et du beurre, passant même en  contrebande du thé et des pains de sucre. En mars 1816, Dorwin s’installe en permanence à Montréal. Allez, je lui laisse la parole.

 

Les hôtels de ce temps.

Les voyageurs et marchands du Haut-Canada arrêtaient au City Tavern, tenue par Tesseyman, dans une cour, […] coin des rues St-Paul et St-Pierre. Cette maison fut ensuite nommée «Exchange Coffee House». Les marchands des Cantons de l’Est et les Américains fréquentaient la «Brock Tavern», coin des rues McGill et du Collège, tenue par Deacon Lyman, ou le «Commercial Hotel» tenu par Samuel Pomeroy, sur le terrain maintenant occupé par Frothingham & Workman. Cette dernière était un hôtel de première classe.

Les prix aux meilleurs hôtels variaient de 50 cents à une piastre par jour. Un Irlandais tenait ce qu’on nommait alors le Belfast Hôtel, sur la rue Capitale, près de chez Clamps, et recevait plusieurs des émigrants irlandais, qui arrivaient en grand nombre à cette époque. «Les Trois Rois» de Joseph Donégani, auberge sur la même rue, devait son nom à son enseigne qui portaient trois figures, représentant les trois Rois de l’Orient. Joe tenait aussi des miroirs pour les vendre, et prêtait de l’argent à la façon des juifs.

Il prêtait à intérêt légal; mais l’emprunteur était tenu de prendre un miroir, au prix du prêteur; et l’on disait à ceux qui se trouvaient contraints d’emprunter : Allez donc chez Joe acheter un miroir.

Thomas Delvecchio, Italien, tenait une grande auberge à l’Est de la place du vieux Marché, avec une horloge sur laquelle étaient trois figures qui frappaient les heures et les quarts d’heure. La seule place où l’on put manger des huîtres était chez Moses Hayden, près de chez Clamps.

Il y avait encore sur la rue Capitale un grand nombre d’auberges de bas étage, pour les voyageurs et les gens de cages.

Le long de la rue St-Paul, près des Casernes et de la porte du Faubourg Québec, se voyait une succession de tavernes pour les soldats et les gens du Marché. Il s’y passait de terribles scènes parfois.

* * *

Comment on traitait les veufs qui se remariaient.

Le propriétaire du «Farmer’s Hotel» était veuf et épousa, en 1816, une bien jeune fille. Ses amis se réunirent pour lui donner «Un glorieux Charivari». Ils demandèrent une forte somme pour le prix de leur départ; mais le vieux était têtu quand on lui parlait de ces choses et refusa. On continua le Charivari tous les soirs, pendant 15 jours. Enfin, le Shérif Ermatinger, avec une grosse chaîne d’or au cou, et revêtu des insignes de sa charge, fit son apparition, et les dispersa, laissant le coffre du vieux intact.

Il n’en fut pas ainsi d’une semblable affaire dans le Faubourg Québec, quelques années après. Une riche veuve épousa un joli jeune homme; et la foule ordinaire en pareil cas se réunit et demanda de l’argent, comme c’était la coutume, mais l’assemblée manquait de courage et d’audace. Et, le second soir, madame se montra à l’étage supérieur et leur dit qu’ayant épousé un beau garçon, elle se sentait portée à la libéralité, mais qu’elle désirait qu’ils fissent les choses dans toutes les règles, s’ils voulaient qu’elle agisse libéralement avec eux.

En conséquence, le soir suivant, ils arrivèrent en grande tenue, avec pavillons et flambeaux et un splendide cercueil en papier huilé, illuminé en dedans et portant diverses sentences appropriées à la circonstance.

Les chaudières de fer blanc, les tambours, cornes de bœufs et une Bande jouant la Marche des Morts suivaient. La dame parut très satisfaite et leur présenta $200 comme marque de sa bienveillance.

Quand un veuf ou une veuve se remariaient, le charivari avait lieu, bon gré, malgré. C’était une chose de rigueur. Cette coutume dura plusieurs années, jusqu’à ce qu’un jour, dans une semblable affaire, un homme ayant été tué au Faubourg Ste-Anne, ces manifestations cessèrent.

 

Il y a peu encore, au Québec, nous faisions charivari pendant plusieurs semaines. Et voir ces deux vidéos, magnifiques :

http://vimeo.com/42848523

http://vimeo.com/43629423

L’illustration provient du site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Hôtel Donegana».

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